Revue électronique de sociologie
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vol.03 no.04 - Avril 2001
Numéro thématique:
Société et santé mentale: contributions de la sociologie aux processus d'inclusion sociale
Sous la direction de Orazio Maria Valastro
Articles
 

Souffrance psychique et processus transculturels: l'amélioration du bien-être psychique et social des migrants dans une société multiculturelle.
(Traduit de l'italien par Orazio Maria Valastro.)

Par Alessandra Sannella,
Doctorante, Département de sociologie, Université "La Sapienza", Rome.
 

      Je propose dans ce texte une étude qui représente une première contribution italienne au thème de l'exclusion sociale à caractère transculturel, avec l'analyse des variables qui entrent en jeu dans le processus migratoire. Cette recherche a une fonction de guide, entre autres, pour ces qui ont une formation spécifique dans le secteur.

      L'Italie a eu, pendant plusieurs décennies, un rôle important dans le phénomène migratoire en Europe et au-delà des océans, et aujourd'hui elle se trouve à accueillir (selon les estimations de la CARITAS dans le Dossier statistique 1999 sur l'immigration) presque 1.250.000 d'immigré.

      Les croyances religieuses, ce qui émerge dans la littérature sur ce sujet, peuvent être lues comme un facteur d'identité et soutient, un élément concurrent, avec d'autres, à l'expression de souffrances psychiques ou déviance de genre divers. L'objectif de cette étude a été celui de mettre en évidence, dans le domaine examiné, l'existence de facteurs de protection capables d'exercer une action de tutelle des sujets, même partielle, et de réduction des mécanismes sociaux de ré-production de la souffrance sociale.

      La recherche a été développée amorçant l'individuation des facteurs qui caractérisent l'incidence des croyances religieuses, l'impact qu'elles peuvent avoir dans les dynamiques engendrant et développant des pathologies psychosociales. Cette étude a examiné les facteurs déterminants de la souffrance sociale prenant en considération les problématiques posées par la pauvreté et le projet migratoire (dans le cas spécifique il s'agit de son échec), observant ainsi le travail exercé à l'étranger et la manifestation de maladies mentales. Ils ont été aussi examinés les interactions entre subjectivité du migrant et cultures d'origine (souvent imprégnées de valeurs magiques et religieuses, particulièrement dans les sociétés traditionnelles conçues comme contraignantes dans les manifestations pathologiques les plus diffuses parmi les populations migrantes), et les politiques d'accueil pour les étrangers.

      Le but de la recherche a été celui d'analyser comment les différentes cultures (présentes depuis plus longtemps dans la réalité italienne et dans un contexte devenu multiethnique mais pas encore multiculturel, concevant ainsi le concept de culture comme une rencontre paritaire entre individus de cultures différentes), expriment des croyances et des convictions mêmes éloignés entre elles, mais sont susceptibles de montrer des phénomènes que l'on peut rapprocher directement ou indirectement à cette situation.

      L'observation de certaines dimensions concernant la condition du migrant pose les questions suivantes: pourquoi survient-elle la maladie?; quelle est la cause qui peut favoriser la genèse de pathologies psychiques et physiques? Entre bien être et malaise il existe, pour ces individus contraints par des stress d'adaptation, une fragile et en même temps profonde ligne de démarcation à partir de laquelle il suffit très peu pour dégénérer et se manifester comme pathologie mentale.

      Le corps du migrant et sa relation avec les autres présentent des signaux significatifs pour les sujets qui habitent son espace vital, des signaux qu'une fois perçus sont en mesure de nous donner la perception de sa souffrance pour faire face aux difficultés et tenter d'empêcher l'avancement de la maladie. L'individuation de facteurs de protection, qualitativement différenciés en sous-groupes, peut suggérer des interventions précises, conçues ipso facto par les différents sujets et évaluées par rapport à leurs exigences, dans une logique sachant amplement satisfaire des formes de prévention et réduction de la souffrance.

      Il a été relevé comme la religion a acquis une substantielle indépendance politique face aux systèmes de stratification sociale, et les autres aspects structurels de l'organisation sociale. Existent en réalité des études sur ces thématiques dans lesquelles, toutefois, n'a jamais été mise en relation la variable religion avec les thèmes des migrations et l'absence ou la présence de la genèse de pathologies. Généralement, jusqu'à aujourd'hui, ont été fondamentalement mise en relation les migrations et les pathologies psychiques et physiques ou les migrations et les croyances religieuses.

      Nous avons tenté de saisir la caractéristique multidimensionnelle des parcours individuels, en approfondissant les possibles "négociations" du rôle social à l'intérieur d'un système qui est de sa part le résultat d'une négociation parmi les éléments qui le structurent (famille, travail, religion, appartenance culturelle, identité, etc.). L'activité de recherche a évoluée initialement avec une enquête par entretiens et la production d'un discours biographique. Voulant recueillir des données comparables entre elles ont été élaborées des aires thématiques.

1. Milieu social, culturel, familial, et d'origine du migrant:
  • Religion d'origine et d'appartenance;
  • Influence de la religion sur la vie quotidienne avant et après la migration;
  • Présence d'une pensée magique, superstition et/ou d'autres pratiques magiques religieuses;
  • Niveau de conscience de la maladie, relations significatives.

    2. Anamnèse historique:
  • Analyse des éléments significatifs de l'histoire du sujet;
  • Etude approfondis du parcours migratoire et de ses causes;
  • Motivation du choix du pays;
  • Individuation des facteurs de risque pour l'insertion dans le tissu social italien.

    3. Anamnèse psychiatrique:
  • Analyse d'éventuels épisodes de psychiatrisation;
  • Individuation du type de pathologie relevé et des causes de sa manifestation;
  • Etat psychique pathologique au moment de l'enquête.

          Les entretiens n'ont pas été recueillis de manière homogène mais ils ont été adaptés aux différents sujets pour expérimenter la dimension religieuse, spirituelle. La réflexion sur la souffrance sociale dans son contexte multiculturel, se réalise en contiguïté avec certains concepts clé: l'appartenance religieuse et les pratiques religieuses dans un nouveau contexte social et culturel; le projet migratoire, son échec et/ou sa réalisation; les facteurs de risque; l'assistance sanitaire pour les migrants.

          Parler de multiculturalisme signifie aller au-delà de la logique moderne de l'assimilation et de celle post moderne de l'équivalence des cultures, le problème du dialogue entre cultures différentes ne peut négliger la thématique de l'inévitable conflit qu'il produit. L'abandon des lieux et des terres originaires, des traditions et des affects consolidés, des cultures et des convictions ethniques, et l'impact avec des nouveaux éléments culturels, linguistiques et comportementaux, peuvent êtres déterminants pour la genèse de problèmes de santé physique et mentale des migrants.

          Il n'est pas rare la somatisation dans le corps qui met en évidence des pathologies plus ou moins graves, le professeur Luigi Frighi dit à ce sujet: "la communication par le biais du corps ne peut pas s'arrêter dans les difficultés linguistiques mais elle a une signification plus profonde qui doit être liée, en quelque sorte, à la recherche d'un corps perdu dans la tentative de maintenir une propre identité culturelle"[1]. Dans l'analyse moderne, avec les apports des disciplines dans une perspective transculturelle, la souffrance sociale et la maladie mentale en particulière, en tant que moments de crise pour les individus, deviennent un canal privilégié par lequel se manifestent réactions individuelles et collectives polyvalentes, caractéristiques et typiques de la culture et de l'idéologie de chaque malade et son groupe ethnique (des réactions qui peuvent dégénérer en expériences délirantes à contenu mystique et religieux).

          L'appartenance religieuse, fondée sur des motivations de foi pour chaque croyant, elle n'est pas seulement connexe avec le respect du droit fondamental de la liberté de conscience mais elle constitue un chapitre important dans la conception de politiques d'accueil pour les étrangers, de plus, comme il est notamment connu, les expressions religieuses et celles culturelles sont strictement adhérents et extrêmement reliées. Il a été essayé de différencier les mécanismes de formation de la souffrance sociale engendrés dans le champ de la trans-culturalité, avec leur corrélation ou corrélée à la dimension religieuse.

          On a relevé la difficulté du thérapeute face aux problèmes des migrants, dans sa relation avec les différentes ethnies avec lesquelles il est en rapport avec ce mélange de cultures présentes dans une réalité comme celle de la ville de Rome, pour pouvoir bien discerner entre donnée culturelle socialement construite et les réels affections des individus. Le rôle du médiateur culturel entre ici en jeu, un rôle important et délicat bien qu'encore sous évalué. Le médiateur culturel réalise une liaison entre la culture du patient et celle du thérapeute. La manifestation de la souffrance psychique et sociale par le corps n'est pas contenue dans les difficultés linguistiques, sa signification plus profonde a été dévoilée mais elle doit être rapprochée à l'idée du corps perdu, de l'identité culturelle.

          Les résultats de l'étude doivent être encadrés à l'intérieur de nécessaires observations préliminaires. Un examen attentif et prudent des résultats permet d'obtenir des indications utiles et des éléments de connaissance. En premier lieu il y a les difficultés des sujets migrants, inévitablement agressés par le stress et donc à risque de souffrance sociale et psychologique. Il a été même reconnu comment la communauté africaine soit plus exposée à la genèse de psychopathologie, contrairement à la communauté orientale. Accomplissant un parcours à rebours dans l'examen des dossiers psychiatrique, il faut dire que je n'ai jamais rencontré des patients originaires des pays orientaux.

          La négligeable présence de cette population dans les structures sanitaires italiennes est due à une migration orientale négligeable en Italie, d'ailleurs, le solide réseau social sur le territoire de Rome qui représente les communautés orientales (et en Italie en général), conduit les individus à se soigner à l'intérieur de leur communauté d'appartenance. Ceci est moins évident à Florence et à Prato, ici l'ethnie chinoise occupe une espace social beaucoup plus ample. Dans l'analyse nous sommes portés à considérer comment les peuples migrants de l'Afrique, se caractérisent par la présence de liens puissants avec le pays d'origine et la famille, dans l'absence de liens de solidarité dans le pays de migration et en fonction d'une plus ferme et constante volonté à un rapide retour au pays d'origine.

          Les résultats nous montrent, avec suffisamment de clarté, comment l'expérience migratoire peut se configurer comme "stresseful life event". Dans cette acception la souffrance psychique, assumant souvent les formes d'une condition dépressive ou d'une somatisation physique, doit être attribuée à des facteurs sociaux et culturels spécifiques, capables d'agir selon les cas ou comme effet tampon par rapport à l'événement migratoire ou comme facteur limitatif des ressources de coping de l'individu.

          L'ancrage de l'affection manifesté par le corps et les modifications du comportement, pourrais être le symptôme d'une fragilité psychique préexistant, créant dans le sujet des attentes excessives destinées à rester inapaisées. Un autre élément considérable: les données montrent un 2,9% de migrants atteints de pathologies psychiatriques sur le territoire national. Cette donnée n'est pas négligeable, considérant comment l'importante proportions de sujets présents sur le territoire appartienne à une population que les récentes études du secteur définissent "effet migrant saine", une sorte de sélection naturelle.

          Les individus qui décident de partir sont, suivant ces données, des sujets sains, les plus entreprenants (d'où un taux élevé d'instruction), pouvant faire face aux problèmes économiques du déplacement, et ayant une considérable stabilité émotive. Ce qui comporte, cependant les difficiles conditions de vie et l'existence d'importants facteurs de risque pour la santé physique et mentale, au moins dans cette phase de l'histoire de l'immigration, d'évaluer les affections du migrant en Italie comme "accidentelles".

          La dimension religieuse de l'immigration n'a pas proprement intéressé (à part les élites), la connexion possible de cette dimension avec la manifestation de pathologies psychiques, même en ce qui concerne les expériences réalisées dans le territoire en relation aux analyses et aux solutions élaborées face à une série de problèmes qui se posent effectivement. Il est nécessaire progresser dans ce sens et continuer dans le domaine de la compréhension culturelle et transculturelle, ainsi que dans le domaine de la prévention. Il n'est pas suffisant, pour atteindre ces objectifs, d'étudier les modèles de comportement et les appartenances culturelles entre les populations migrantes et le réseau social dans lequel vont s'insérer dans le pays d'accueil, il est indispensable une collaboration entre les différentes disciplines pour trouver des réponses concrètes aux exigences et aux souffrances sociales générées par la rencontre (la collision) entre sujets migrants et société d'accueil.

          En conclusion, nous nous sommes posé la demande suivante: peuvent exister des incidences spécifiques dans la maladie selon le pays de provenance? Un examen approfondi montre comment la seule spécificité, pour l'instant, est liée au type de parcours migratoire manifestant, plus ou moins exactement, une série de souffrances psychiques et des difficultés matérielles concernant les individus. Le parcours migratoire peut être interprété comme un maker de la détérioration d'un corps saine au départ, c'est plus plausible de l'appartenance à un pays donné avec des cadres pathologiques endémiques, correspondante en tout cas aux grands nombres.

          Les renseignements anamnestiques ont montré la prégnance culturelle de la famille (il faut toujours considérer la nécessitée de pouvoir connaître toutes les dimensions sociales et anthropologiques des dynamiques entre les acteurs sociaux et leur environnement). L'élément plus significatif est représenté par l'observation de l'impuissance à réaliser une correcte thérapie dans le champ transculturel, impuissance directement proportionnelle à la méconnaissance des valeurs présentes dans les différentes cultures et à l'absence d'une liaison avec ces réalités, pouvant englober la particularité des phénomènes transculturels dans le cadre des pratiques médicales occidentales et des paramètres utilisés.

          Pour arriver à formuler un diagnostic il n'est pas possible de se borner à une étude des symptômes, il est nécessaire de saisir la signification du vécu des individus, attentionnés dans leur unicité et singularité. Il est ainsi nécessaire de concevoir l'état mental du migrant, objectivement relevé, surtout par la structure significative de ses expériences, des événements, des rencontres, référés à son devenir historique et sa vie intérieure (qui n'est pas son anamnèse), histoire vécue de projets et valeurs, du projet migratoire et de son échec.

          "Ecouter et comprendre" le langage du corps avec ses multiples expressions c'est une opération que le thérapeute doit toujours conduire avec beaucoup d'attention, associant ces facteurs à toutes les variables y jouant un rôle (je me réfère aux variables qui interagissent et forment l'état psychique d'un sujet migrant) pour interpréter la signification réelle du symptôme ou de tous les autres signaux que le patient peut lui livrer.

          Le migrant montre les signes d'une culture différente (ces signes sont une projection dans le corps et deviennent un symbole de la souffrance), il est extrêmement important ainsi d'écouter les paroles, savoir lire et comprendre l'incommunicable, avec l'interprétation du langage somatique, qui est plus significatif du langage verbal. Le lexique du corps, comme soutient Callieri[2], peut ainsi devenir un point de départ pour une thérapie transculturelle perçue dans une optique multiethnique dans laquelle le migrant, même avec ses silences, l'intonation de la voix, la posture, nous parle dans chaque moment de son histoire, de sa culture, de son existence, avec ces manifestations.

          J'espère que mon travail pourra être considéré un work in progress pour l'amélioration psychique et physique du migrant dans un champ qui vise de plus en plus à assumer, avec le progrès technologique et scientifique, les caractéristiques d'une société globalisée et multiculturelle.

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    Références:
    1.- L. Frighi, "Fattori socioculturali e somatizzazione", in Rivista Sperimentale di Freniatria, p.118.
    2.- Cfr., Callieri B., L'atto clinico come demitizzazione della nosologia, in: Attualità in Psicologia n.7, Roma, 1992, pp.5-12.
     
    Sannella, Alessandra. 'Souffrance psychique et processus transculturels: l'amélioration du bien-être psychique et social des migrants dans une société multiculturelle.', Esprit critique, vol.03 no.04, Avril 2001, consulté sur Internet: http://critique.ovh.org
     
     
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