Revue électronique de sociologie
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Vol. 02 no. 09 - Septembre 2000
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Les enjeux sociaux des nouveaux lieux de la musique en Italie

par Orazio Maria Valastro
 

Introduction: pour une sociologie du développement culturel.

      Les acteurs sociaux intéressés au projet de rénovation général de la musique et des lieux affectés à la production et à l'écoute de la musique en Italie, sont aujourd'hui engagés dans une politique de régénération et transformation des espaces sociaux de la musique. Des nouveaux lieux destinés à la musique pourraient s'ancrer dans le territoire, des lieux qui naissent à partir d'une réalité culturelle située entre la production et la consommation de la musique, tout en prolongeant le débat en cours sur la valorisation des ressources locales.

      Des modèles et desseins éventuels de réalisation et réarrangement des lieux pour l'écoute de la musique, vont pouvoir s'expérimenter avec une nouvelle organisation matérielle des espaces et des structures consacrées à la musique, à la recherche de modernes et nouveaux systèmes de diffusion du son. A' coté de ces transformations possibles des lieux de la musique, l'activité de production, celle de consommation et d'écoute, vont être associées aux projets d'accroissement des ressources locales comme condition indispensable d'un développement local culturel, social et économique.

      Une sociologie du développement culturel peut nous aider dans l'analyse de ce mouvement de réforme de l'activité musicale, tout en objectivant la modification des coordonnées culturelles et économiques dans lesquelles se situe le processus de transformation des nouveaux lieux de la musique. Il ne s'agit pas tellement ici d'examiner les ancrages spatiaux de la musique, avec leur conception des structures et aménagement intérieur, mais d'observer les lieux sociaux de la musique comme des éléments déterminés par les dynamiques sociales produites par la configuration des positions et des relations des acteurs sociaux et des problématiques qui les concernent.

1. Contraintes institutionnelles et nécessités des musiques contemporaines.

      Le cadre institutionnel qui administre et organise l'activité musicale en Italie est réglé, encore aujourd'hui, par une loi du 1967 (1). Les lois qui réglementent le droit d'auteur, la législation qui régit le système de prévoyance pour les travailleurs du spectacle, sont davantage désuètes, décrétée en 1941 et 1947. La loi du 1967 intéressait fondamentalement l'activité de la musique lyrique, méconnaissant les musiques contemporaines et leurs différents genres. Ce contexte a vigoureusement stimulé les institutions qui s'occupent de la formation musicale, les opérateurs et les associations du secteur de la musique et du spectacle, les artistes et les interlocuteurs politiques, à élaborer pendant ces cinq dernières années un nouveau dessein de loi (2).

      Le dessein de loi à l'examen du Sénat de la République considère toute la musique comme activité musicale unitaire, la reconnaissance juridique est ici élargie aux différents genres de musique développant ainsi une politique de promotion et soutient aux musiques contemporaines, reconnues comme ressource et élément déterminant pour la qualité de vie de chaque sujet et comme phénomène social fondamental de la culture nationale. L'importance et la considération pour la musique lyrique, dans la tradition musicale italienne, ont déterminé la réalisation d'espaces pour la musique adéquats à ce genre d'exécution musicale. La musique classique, par exemple, a été confinée parfois dans des espaces, des salles de théâtre, réalisées en fonction du théâtre lyrique, et ils ont été construit intentionnellement seulement très peu de structures.

      Il est sans doute souhaitable une nouvelle politique concernant les lieux de la musique, dans tous ces genres, capable de promouvoir des espaces pour les musiques contemporaines. Les principales ressources nationales et régionales auxquelles peuvent faire recours les associations, les opérateurs culturels et économiques de la musique et du spectacle pour leurs activités musicales, sont essentiellement perçues en fonction de leur capacité de réaliser des concerts. Des autres activités telles qu'activités didactiques par exemple ou de divulgation de la musique auprès des jeunes, sont souvent laissé aujourd'hui au bénévolat ou aux règles du marché, ainsi la difficulté de réaliser directement ces activités se traduit par des escamotages: finaliser ces mêmes activités à la réalisation d'un concert.

      Les acteurs sociaux qui représentent les musiques contemporaines vivent une dichotomie à cause de cette problématique, d'une part ils fonctionnent comme des associations dont l'activité principale est celle d'organiser des concerts tandis que d'autre part ont une aspiration, celle de faire des autres activités culturelles: divulgation musicale et promotion de projets culturels originels pour faire entrer dans la distribution nationale et internationale les productions locales. Il existe donc la nécessité, pour beaucoup d'entre eux, de se libérer de cette contrainte pour obtenir des autres ressources et pouvoir se confronter avec le marché culturel. Ces problématiques font naître en Italie une question des espaces pour la musique et la culture qui devient une priorité de l'agenda politique et culturel (3).

2. Les lieux de la musique: de l'expérience d'autogestion politique et culturelle à la programmation culturelle des musiques actuelles.

      Les musiques actuelles sont engagées, depuis longtemps, dans un mouvement de rénovation des espaces musicales, à partir du rock et du pop, pour finir au rap et à l'hip hop. Une étude de cas à partir d'une réalité locale (4), de l'histoire sociale des lieux de la musique et de leur évolution, déclenche ces réflexions sur les enjeux des nouveaux lieux des musiques contemporaines. Les expériences d'autogestion politique et culturelle de certains espaces de la ville, à partir des années quatre-vingts, ont produit une virtuelle appartenance politique et différentes appartenances de groupes. La musique a eu la fonction de rassembler les jeunes autour d'événements culturels, sans produire pour autant un processus d'intégration et de participation à l'expérience politique des «centres sociaux»: des espaces sociaux squattés. Le projet culturel, visant à créer une «frontière mobile entre producteur et consommateur de culture», était à la base de la production musicale de ces lieux.

      La réalisation de réseaux parallèles aux intérêts commerciaux des maisons d'édition de la musique, à soutenu la diffusion des musiques actuelles sortant de l'isolement dans lequel ces dernières étaient souvent reléguées. Ces expériences ont démontré de pouvoir conditionner les marchés et les tendances musicales nationales, l'auto production a donné lieu à des nouveaux genres, ouvrant des nouvelles voies pour des parcours de recherche d'études et d'expressions artistiques. L'expérience de l'auto production a été utilisée comme communication politique et moyen de socialisation, produisant un élargissement du public de ces espaces de la musique, un public interchangeable n'étant pas forcement identifiable au projet politique ou culturel des ces lieux.

      Des autres expériences de gestion d'espaces pour la musique cherchent surtout aujourd'hui à affermir et consolider une programmation des musiques actuelles. Un vaste public intéressé par son besoin social d'écouter et consommer de la musique se côtoie dans ces lieux et s'approche des musiques actuelles, devenant un corps social conscient des échanges culturels et des ressources locales mise en jeu. Ces opérateurs culturels créent un espace social dans lequel la musique devient un élément déterminant, concevant et essayant d'engendrer un public plus informé et conscient des musiques actuelles. Un lieu dont le rapport avec ce public expérimente des contacts et des rapports avec d'autres réalités, vérifie ces échanges, valorise les productions locales.

3. Des nouvelles coordonnées pour les espaces de la musique.

      L'action culturelle institutionnelle peut garantir dans un prochain futur des règles et des principes nouveaux pour valoriser les musiques contemporaines, émergeant d'une condition dans laquelle toute intervention au niveau local est conditionnée par la spécificité individuelle de chaque administrateur publique et par la conjoncture politique du moment. La reconnaissance des musiques actuelles au niveau nationale, qui est en train de se faire, ne doit pas pourtant évincer la dimension sociale et culturelle de la musique, accordant simplement une légitimation législative et en même temps culturel à la musique.

      Les relations, entre acteurs institutionnels et acteurs du secteur des musiques actuelles, doivent être interprétées et examinées en fonction de leur configuration, Ces relations dépendent de l'espace social dans lequel se reproduisent et de l'histoire sociale dont elles sont le résultat. Il ne suffit pas une simple reconnaissance culturelle de la musique mais il est essentiel de reconnaître les logiques spécifiques, les différentes problématiques liées aux rapports entre institution et monde des musiques actuelles, ainsi que les différentes positions qui caractérisent les opérateurs et les professionnels. Ces critères atteignent davantage le contexte spécifique dans lequel se forment et se transforment les relations des individus et des groupes dans l'espace social des musiques contemporaines, reconnaissant les enjeux qui peuvent déterminer les opérateurs en tant que véritables partenaires des politiques publiques.

      Au niveau local existent des initiatives, des projets qui n'ont eu aucun succès auparavant, pouvant produire des équipements spécifiques pour les musiques contemporaines par rapport aux expériences cités avant. Les opérateurs ont pourtant du prendre en compte l'activité marchande dans l'élaboration des leurs activités et projets culturels, consolidant des positions et des prises de positions, face au marché qui devient un autre acteur social façonnant le choix et les positions des activités promues. Les opérateurs qui ont pu se rendre indépendant et autonome, inscrivant leurs positions dans un parcours qui dépasse les oppositions publique et privée, entreprise et bénévolat, ont pu considérer des autres logiques.

      On essaye aujourd'hui de mettre hors jeux les règles du marché de la production culturelle, en réalisant un espace pour les récentes formations de musique actuelle qui ne peuvent pas garantir un public capable d'assurer les frais de gestion d'un tel espace. Les grands évents musicaux, les concerts organisés avec des personnalités célèbres du spectacle et de la musique, sont des moments de grande résonance et retentissement, mais pas des lieux culturels ou peuvent converger des activités créatives locales qui doivent être soutenues et promues.

      Ces nouveaux lieux qui tentent de se réaliser introduisent des nouvelles coordonnées qui cherchent à promouvoir un échange avec le territoire et ses ressources, à donner une réelle sollicitation et promouvoir les musiciens et les amateurs dans leur parcours professionnel, à soutenir les échanges d'expériences et de travail d'expressions artistique. Le développement local passe ainsi par la reconnaissance des enjeux représentés par ces nouveaux lieux qui peuvent rendre possibles des parcours artistiques à tous les niveaux, qui peuvent élargir leur public, développer les rencontres entre artistes locales et publics, créer enfin de l'activité et de l'emploi.

 
 
Références:
1.- "Nouvel ordonnancement des instituts lyriques et des activités musicales", loi n.800, août 1967.
2.- Il s'agit du dessein de loi n.755/a présenté au Sénat de la République en septembre 1999, "Discipline Général de l'Activité Musicale", ayant intégré les précédentes; desseins de loi concernant la musique en Italie: "Normes pour la tutelle et la valorisation des expressions musicales populaires et des interprètes et exécuteurs", dessein de loi n.2821, octobre 1997; "Discipline Général de l'Activité Musicale", dessein de loi n. 2619, juillet 1997; "Normes pour la tutelle de la promotion et la valorisation des expressions musicales populaires contemporaines", dessein de loi n.1547, octobre 1996; "Normes pour la tutelle et la protection de la musique légère italienne", dessein de loi n.755, juin 1996.
3.- "Premier rapport sur les espaces pour la musique en Italie", dossier réalisé par l'ARCI Nouvelle Association et présenté en occasion de la fête de la musique de cette année: encore en cours de réalisation deviendra en automne 2000 le "Premier rapport national sur les espaces à récupérer, réutiliser, restaurer, libérer pour la musique".
4.- Une recherche sociologique sur la musique à Catane, une ville de la Sicile orientale dans le sud de l'Italie.
 
Valastro, Orazio Maria. "Les enjeux sociaux des nouveaux lieux de la musique en Italie", Esprit critique, vol.02, no.09, Septembre 2000, consulté sur Internet: http://critique.ovh.org
 
 
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