Le pourquoi d'un numéro sur la criminologie
Par Pascal Cojean
Le crime fut étudié de tout temps, mais l'on doit bien reconnaître qu'il n'a jamais été aussi présent que de nos jours, et ce, grâce au média qui joue disons-le franchement à produire une psychose et une crainte de l'autre, de la peur de l'inconnu, qui à tout moment peut s'en prendre à vous ou à moi. C'est ainsi que l'on voit se cristalliser diverses haines, rancoeur et autres sentiments expression de toutes sociétés recherchant depuis toujours un bouc émissaire soit étranger (Simmel en fit une réflexion qui ne manqua pas d'intérêt en son temps, même encore maintenant, et il savait de quoi il parlait pour avoir été victime de l'obscurantisme de tout un système universitaire allemand et antisémite) soit un groupe d'individus qui parce qu'ils sont différents des critères mis en avant par la société sont perçus comme les coupables désignés: l'étranger est en effet d'abord étrange.
Il faut surpasser ces prénotions qui supposent rien de moins que la différence est mauvaise et donc coupable et qui font les beaux jours des partis extrémistes de notre temps et d'autres temps pas si éloignés que cela. Ce que l'on peut ajouter et ce sans trop empiéter que le terme actuel crime est utilisé depuis environ dix à quinze ans sans être pour autant bien défini. Il sert les hommes politiques dans leur jeu de la chaise musicale pour l'acquisition du pouvoir et pour stopper ce qu'ils nomment "insécurité", et on l'utilise aussi en relation à ceux qui sont ou ne sont pas des "délinquants".
Il n'y a donc pas de crime sans société car c'est la société qui crée et stigmatise ceux et celles qu'elle accuse de déséquilibrer son bien-être et qui se doit dès lors de neutraliser le danger permanent que représentent ces déviants qu'elle engendre. Si Durkheim a basé son approche du crime sur le lien social trop faible pour empêcher les individus de sombrer dans le crime et Tarde sur le fait que le criminel apprend par l'imitation, il faut relativiser ces approches théoriques et porter dès lors notre attention sur ce qui est plus actuel.
Le terme de "crime" est un terme de nos sociétés occidentalisées car elles stigmatisent et définissent ce qui est bien de ce qui est mal de fait l'on ne peut pas dire que le crime existe sans société et même sans que cette société ne soit munie d'un appareil étatique car comparé à des sociétés tribales qui sont des sociétés mais sans Etat elles ne préfigurent pas de l'utilisation de ce type de notions purement occidental et donc des sociétés a Etat. Donc l'on peut dire que le crime est une composante mise en place par la société a Etat.
Je dois bien le reconnaître, mon intention première fut de vouloir mettre en avant les fondateurs de ce domaine qu'est la criminologie (ou "phénomène criminel") pour faire comprendre ce que c'était. Je considérais que pour avoir une bonne approche du domaine, il fallait avoir un solide bagage théorique. Certes je le conçois toujours. Cependant plus le temps a passé plus je me suis rendu compte d'une erreur qui aurait, me semble-t-il, pu arrêter plus d'un internaute et de le désintéresser de ce qu'est la criminologie, ne donner que des représentations de la discipline de manière théorique et en oublier le coté disons "pratique" de la discipline. De fait il fallut changer l'objectif de ce numéro qui passa donc du domaine disons théorique au domaine pratique.
Le fait de passer de l'abstrait (le théorique ou les réflexions sur le sujet) au concret à l'application de ces recherches sur des comportements déviants d'aujourd'hui afin non d'éviter mais du moins tenter de prévenir pour limiter et dans le meilleur des cas empêcher l'irréparable d'être commis, mérite d'être mis en avant. C'est d'ailleurs ce qui a fait évoluer ce numéro qui se voulait au début purement théorique et qui au final laisse autant place à la théorie qu'à la pratique et à l'exercice dans ce domaine qui montre, par la variété et la diversité des articles retenus, que cette discipline qu'est la criminologie se doit d'être plus connue, répandue au sein des médias - qui ne s'attache encore qu'à démonter l'aspect juridique. Bien d'autres aspects opérants méritent d'être développés lorsqu'il s'agit de parer à la criminalité.
- Notice:
- Cojean, Pascal. "Le pourquoi d'un numéro sur la criminologie", Esprit critique, vol.04 no.01, Janvier 2002, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org