Identités nominales et langagières dans la Roumanie actuelle. Les proverbes-images
Carmen Mihai
Maître de Conférence, Membre associé du VECT (Voyages, Echanges, Confrontations, Transformations: Parcours méditerranéens de l'espace, du texte et de l'image), Equipe d'Accueil de l'Université de Perpignan; guide culturelle et accompagnatrice technique de voyages (scolaires et adultes), employée par l'Association Culturelle de voyage Thalassa. Axes de recherches: L'imaginaire des Roumains; L'identité roumaine et ses rapports à l'altérité; La parémiologie en langues romanes; Le voyage: révélation de soi à travers la médiation culturelle; Usages et mésusages de la voie chez certaines personnalités d'origine roumaine (Cioran, Brancusi, Istrati et Blaga). Doctorat de l'Université de Provence: mention Lettres et Sciences humaines. Diplôme de Guide Interprète national, Université de Perpignan. DEA "Histoire et Civilisations", Option Etudes latines, Université Paul Valéry, Montpellier III. Maîtrise de Français, Langue étrangère, Université de Perpignan. Diplôme Universitaire "Imaginaire et Art", Université de Perpignan. Maîtrise de Lettres modernes, Université de Perpignan. Licence de Français, Langue étrangère, Université de Perpignan. Licence de Lettres modernes, Université de Perpignan. DEUG de Lettres modernes, Université de Perpignan. Baccalauréat, Ploiesti, Roumanie.
Résumé
Si le lien culturel préside à l'émergence de l'identité individuelle, il impose progressivement et parallèlement à l'individuation, au-delà des références généalogiques, une filiation plus ou moins abstraite, concernant la collectivité en son ensemble. C'est ce qui permettra justement à l'individu de se fondre dans un nous globalisant (et rassurant), tout en se distinguant ainsi, par le biais des pluralités: vous, eux (les autres, les étrangers - par rapport à nous et à moi), de tous ceux qui lui semblent différents, inconnus et parfois hostiles. Mais ce lien qui parfois sauve l'individu, peut aussi bien l'étouffer. L'identité roumaine est, depuis l'effondrement du régime des Ceauşescu, en phase de réaffirmation de ses traits de caractère, de ses contours. Une période (dite de transition) installe ses labilités et ses contorsions, faisant surgir des inquiétudes, au-delà de l'économique et du politique. Cela rend saillants certains réflexes et manières de penser, d'agir et d'être, réflexes acquis avec le temps et dans une existence dont les ingrédients demeurent à l'analyse (tout au moins partiellement) spécifiquement roumains. Mais qu'en est-il de cette préfiguration de l'attitude (et du trajet anthropologique) pour un Tsigane, un Hongrois ou un Hongrois Tsigane vivant en Roumanie, là où ils sont nés? C'est par le biais d'une enquête poursuivie en Roumanie durant quatre ans et ayant comme sujet les images de soi et d'autrui dans les proverbes que les Roumains emploient actuellement que j'ai esquissé une réponse.
La géographie humaine en Roumanie, dans sa configuration récente, montre une très nette distinction entre nous (Roumains) et les autres (dont les ethnies tsigane et allemande délimitent les marges). Cette vision sécante et hiérarchisant les présences ethniques, procède par comparaison et jugement de valeur; elle se fonde avant tout sur la reconnaissance, dans l'imaginaire des Roumains, d'un 'chez soi' exclusivement roumain. Il est question d'un espace re-connu et capable de circonscrire un être référentiel abstrait et fédérateur. Mais celui-ci n'est pas moins exclusif. L'ethos de la centralité roumaine s'appuie sur le processus de minorisation de l'autre, voire de victimisation. L'ethnocentrisme roumain entretient l'exclusion de l'autre tout en se nourrissant de stéréotypes et de proverbes-images (où la parole stigmatisante emprunte l'autorité du proverbe pour imposer son jugement de valeur). Partie de Roumanie depuis plus de dix ans, ce retour en tant que chercheur a été bénéfique: le lien de confiance avec les informateurs a fait révéler des failles identitaires dont il faudra bien tenir compte. Si les Roumains emploient tant d'ethnonymes, s'ils stigmatisent, jugent et rejettent l'autre avec tant de véhémence, sans pour autant excuser cette attitude, force est de reconnaître le mal-être d'une société qui, dans un contexte d'instabilité, lutte à contre courant pour maintenir son identité. Les images qu'elle donne de l'autre signalent une vision trouble de soi. Il me semble urgent d'attirer l'attention sur ce processus de banalisation de l'emploi des ethnonymes devenus synonymes d'insulte, notamment pour le Tsigane, mais aussi pour le Juif ou le Turc, de même qu'il n'est pas anodin le fait de ne pas pouvoir à ce jour se faire une idée claire quant aux chiffres que représentent ces présences ethniques dans ce pays. Comme si la négation commençait par cela...
Abstract
Nominal and linguistic identities in current Romania. The Proverb-images
If the cultural bond plays a central role in the emergence of individual identity, it imposes gradually and in parallel to individuation, beyond the genealogical references, a more or less abstracted filiation, concerning the community in its unit. That is what will precisely make it possible for the individual to be merged into a globalizing (and reassuring) us, while being thus distinguished, by the means of pluralities: you, them (others, foreigners - compared to us and with me), of all those who seem to him different, unknown and sometimes hostile. But this bond which sometimes saves the individual, can suffocate him as well. Rumanian identity is, since the fall of Ceauşescu's regime, in phase of reaffirmation of its traits, of its contours. One period (known as of transition) installs its labilities and its distorsions, making emerge concerns, beyond economics and politics. That makes prominent certain reflexes and manners of thinking, of acting and being, reflexes acquired with time and in an existence whose ingredients remain to the analysis (at least partially) specifically Rumanian. But what about this prefiguration of the attitude (and the anthropological journey) for a Tzigane, a Hungarian or a Tzigane Hungarian living in Romania, where they were born? It is by the means of an investigation made in Romania during four years and having for subject the images of oneself and others in the proverbs which the Roumanians currently employ that I outlined an answer.
The human geography in Romania, in its recent configuration, shows a very clear distinction between us (Rumanian) and the others (whose Tzigane and German ethnic groups delimit the margins). This vision both secant and treating on a hierarchical basis the ethnic presences, proceeds by comparison and value judgment; it is based above all on the recognition, in the imagination of the Roumanians, of one "at home" exclusively Rumanian. It is about a recognized space, able to circumscribe an abstract and federator reference being. But this one is not less exclusive. The ethos of the Rumanian centrality rest on the process of minorisation of the other, even of victimisation. The Rumanian ethnocentrism maintains exclusion the other while nourishing stereotypes and proverb-images (where the stigmatizing word borrows the authority of the proverb to impose its value judgment). Away from Romania for more than ten years, this return as a researcher has been beneficial: the bond of confidence with the informants revealed identitarian flaws, which will have to be taken into account. If the Roumanians employ so many ethnonymes, if they stigmatize, reject and judge others with such vehemence, without excusing this attitude, we have to recognize the discomfort of a society which, in a context of instability, fights against the movement to maintain its identity. The images which it gives of the other announce a disturbed vision of self. It seems urgent to me to draw the attention to this process of vulgarizing the use of the ethnonymes becoming synonymous with insult, in particular for the Tzigane, but also for the Jew or the Turk, just as it is not insignificant to observe that to date we have no clear idea of the figures that the presences of these ethnic groups represent in this country. As if the negation started with that?
1. La préfiguration du trajet anthropologique par le lieu d'origine: le lieu comme lien culturel
L'identité individuelle émerge à partir de et par rapport à l'identité collective, par le biais d'un faisceau référentiel (environnement humain: modèles et autorité adultes (Gerassi, 1994, p.127); outils de connaissance et d'appréhension du monde: langue(s), structures socioculturelles: école, centre de loisirs et de formation etc.). C'est le lien culturel, vecteur de cohésion sociale, qui préside à l'émergence de l'identité individuelle. Il impose progressivement et parallèlement à l'individuation, une filiation plus ou moins abstraite, concernant la collectivité en son ensemble, ce qui permettra justement à l'individu de se fondre dans un nous globalisant (et rassurant), tout en se distinguant ainsi, par le biais des pluralités: vous, eux (les autres, les étrangers - par rapport à nous et à moi) de tous ceux qui lui semblent différents, inconnus et parfois hostiles (Mihai, 2002, p481-484). L'identité roumaine est, depuis l'effondrement du régime écrasant des Ceauşescu de décembre 1989, en phase de réaffirmation de ses traits de caractère, de ses contours. Une période (dite de transition) installe ses labilités et ses contorsions, faisant surgir des inquiétudes, au-delà de l'économique et du politique. Cela rend saillants certains réflexes et manières de penser, d'agir et d'être, réflexes acquis avec le temps et dans une existence dont les ingrédients demeurent à l'analyse, pour le moins partiellement spécifiques aux roumains. Mais qu'en est-il de cette préfiguration de l'attitude (et du trajet anthropologique) pour un Tsigane, un Hongrois ou un Hongrois Tsigane vivant en Roumanie, là où ils sont nés? En (se) posant une telle question, l'on aborde un travail d'enquête sur l'identité, plus précisément sur le processus social de projection d'images qui vise à l'identification plus ou moins marquée d'un individu à un être virtuel, dénommé et distingué ethniquement. Cette modélisation est inhérente à la vie de la société, mais prend, lorsque certaines conditions sont réunies, des allures plus dramatiques et risque de générer un terrain propice à une fulgurante propagation d'un nationalisme extrémiste.
2. Projection de soi, proverbe référentiel et proverbes-images
Si la parole nous distingue et nous différencie (C. Hagège, 1985), il ne faut pas perdre de vue aussi que la langue suit de près les idées (Vico, 1993). Notre langage (registres de langue), la façon dont on s'exprime accompagne et dévoile l'identité (s'exprimer c'est bien exprimer une partie de soi), les mots et syntagmes que nous employons trahissent, dans une certaine mesure, notre manière d'être. On remarque l'aspect stéréotypé d'exprimer, à travers les images de soi et de l'altérité, sa médiation au monde environnant. J'avance ici l'hypothèse que plus les stéréotypes sont présents, pis encore, envahissent le discours individuel et/ou collectif, plus l'identité individuelle et/ou collective est problématique: dans sa construction, dans son affirmation ou dans sa réaffirmation (expression). En ce sens, la matière proverbiale (les parémies) roumaine, en son ensemble,[ 1] offre un excellent terrain de recherche, tant par sa richesse que par les problématiques soulevées. Y a-t-il cohérence ou divergence discursive, nominale et langagière, quant à l'identité roumaine en sa globalité et au niveau de ses composantes ethniques? N'oublions pas que le proverbe agit en tant qu'outil fédérateur et élément référentiel, tout en pouvant être chargé de la spontanéité et de l'immédiateté de l'image (les proverbes-images). L'enquête que j'ai poursuivie durant quatre ans en Roumanie (1998-2001), visait, sur la base d'un questionnaire, la récolte des proverbes (employés par les Roumains) se référant aux Roumains, Tsiganes, Turcs, Hongrois, Allemands, Juifs, Grecs, Russes, Tatars (les questions contiennent l'ethnonyme respectif). Les anthologies roumaines offrent un choix particulièrement fourni et je pouvais ainsi présumer d'une quête bien justifiée: soit le discours oral allait confirmer cet état de fait, soit des réajustements allaient devenir indispensables, quant à la vision que l'on donne (figée par l'écrit), du regard que les Roumains posent sur eux-mêmes et sur autrui. J'ai remarqué ce besoin de se définir, à plus forte raison dans cette période trouble, de se (re)garder en miroir et donc de tracer pour l'individu la voie de la permissivité, déclinée par le code référentiel que forment les proverbes. Cela peut paraître une démarche normale, habituelle. Mais seulement à première vue, car dès que l'on approche ce phénomène, les questions qui se posentsont nombreuses: l'affirmation de soi permet-elle aussi l'acceptation de l'autre? Qui est cet autre et sous quels traits est-il nommé différent, voire étranger? Cette vision de la juxtaposition présuppose ou non un rapport sécant, d'affrontement ou d'aliénation de l'altérité ou se limite-t-elle à l'ignorance (réciproque ou partiale)?
Il me semble utile de préciser, à ce stade, que mon cheminement m'a amenée à un changement sensible quant à la problématique du regard posé sur soi et sur autrui. J'ai reçu, en Roumanie, une éducation marquée par le fer du communisme et du socialisme nationaliste prônant pêle-mêle l'enthousiasme, la solidarité, l'unicité et la primauté d'un peuple noble, fier, unique. "Noble", par son ethnogénèse, mettant l'accent sur la latinité des Roumains, mais ayant en fait un fonctionnement d'épée de Damoclès au niveau de l'imaginaire (C. Mihai, 1997); "fier", pour sa continuité et son unité (difficiles à prouver, pour la première, à maintenir, en pleine déstabilisation actuellement, pour la seconde); "unique", enfin, par son acharnement à conserver les deux premiers traits, au prix des mensonges et de réécritures de son histoire. Vivant en France depuis 1991, n'ayant jamais renoncé à mon identité, je poursuis ma recherche: j'apprends que nous sommes vus bien différemment de ce que nous pensons être, que nous avons, de surcroît, une fausse vision de nous-mêmes, des autres, de la réalité. En effet, notre pensée procède, comme j'ai pu le démontrer (C. Mihai, 2002), par images et souvent par images déformantes. En revanche, aller justifier ce décalage qui s'instaure entre nous et les autres, ressentir le besoin de se positionner d'un côté ou de l'autre de cette barrière, c'est non seulement révéler, mais accréditer la vision sécante de type nous ou les autres. Plus qu'un travail de vérification et de sondage, il s'agit là d'une remise en question des notions trompeuses, faussement stables, telles que sagesse populaire, proverbe, mais aussi identité ethnique, roumanité, et, peut-on dire, unicité et exclusivité territoriale. Autant dire que l'on ressent le risque des dérapages et des récupérations possibles (car la pureté ethnique peut encore faire des ravages et il ne faut pas perdre de vue la difficulté à faire obstacle en Roumanie, lors des élections présidentielles de 2000, à l'extrême droite - 37%).
2.1. L'attitude du chercheur
Deux aspects du problème sont à dissocier: d'une part, l'emploi que l'on fait des ethnonymes en tant qu'observateur chercheur et, d'autre part, les séquences discursives témoignant des pratiques langagières actuelles en Roumanie. En ce sens, je dirai même que l'analyse que l'on donne de telles séquences comporte bien plus de risques que leur présence dans le discours oral. La recherche ne peut être menée que dans un souci permanent d'anthropologie réflexive, en tenant compte des possibles inductions et du rôle de la rencontre avec l'autre, lors des scénarios d'enquête.[ 2] C'était sous-estimer la labilité du terrain et l'emprise qu'il exerce sur le chercheur-enquêteur, que de partir dans cette aventure avec l'espoir de pouvoir pour ainsi dire maîtriser la situation et tenir toujours le premier rôle de l'enquête. La problématique se développe, se complexifie et m'impose un changement sensible quant à ma manière de concevoir la recherche, à commencer par une remise en question permanente de mon rôle et de l'impact que cette intervention sur le terrain peut avoir. Enquêter en Roumanie, et de surcroît sur cette problématique d'identités ethniques, même quelque dix ans après décembre 1989, n'a pas été chose aisée, et parfois, à travers un regard, à travers quelques questions timides ou tout simplement le refus de répondre à ce questionnaire, j'ai dû me rendre à l'évidence: l'expérience de la dictature et du régime communiste est encore trop vive dans les consciences, ce vécu et l'enseignement qu'il a imposé demeureront encore longtemps présents à l'esprit de cette population brutalement confrontée à d'autres règles du jeu sociopolitique.[3] Lorsqu'un lien de connivence est créé avec mes informateurs, lien basé sur notre identité roumaine, cela m'amène droit au piège: dois-je approuver l'attitude de minorisation, de refus, pis encore, de raillerie grossière ou d'anéantissement de l'autre? Ma réserve n'a, certes, pas réconforté ces attitudes, mais, sous couvert de "on dit que", où le on nous englobe vous et moi, nul obstacle n'a entravé la parole les dévoilant. Dans le cas précis de l'enquête que j'ai menée en Roumanie, la difficulté vient de mon positionnement en tant que chercheur: pour créer un terrain de confiance avec les interlocuteurs informateurs, certaines concessions m'ont semblées souhaitables (quelques inductions, quelques insistances sur le thème de la cohabitation, de la distanciation par rapport au chez soi). Cette situation a eu comme effet immédiat d'être perçue du même côté (ou, disons, ne pas être prise pour un juge) par les informateurs. Je tiens à dénoncer une réalité qui m'est apparue inquiétante: prendre à partie l'enquêteur traduit la banalisation d'une vision sécante, exclusive, plutôt du genre nous ou les autres. La spontanéité, la fréquence et la variabilité demeurent des indicateurs de première importance pour le traitement des données, sans pour autant perdre de vue le fait qu'il s'agit là d'images projetées (pour la majorité) par les Roumains. Autrement dit, il ne faut pas se hâter vers une conclusion trop catégorique, mais compléter tout d'abord cette enquête par une autre, qui permette d'approcher ce que pensent les autres (Tsiganes, Turcs, Hongrois, Allemands, Juifs, Grecs, Russes, Tatars) d'eux-mêmes et des Roumains. Il serait seulement alors possible d'entrevoir une refonte identitaire, sur un principe fédératif.
2.2. Bilan d'enquête
La récolte, en son aspect quantifiable, a dépassé mes attentes. Elle comporte un nombre important de parémies qui concernent la vision de l'existence, telle qu'elle est donnée par mes informateurs. Les 1157 énoncés venant de l'oral, se répartissent en plusieurs catégories, de la manière suivante: 479 proverbes roumains, 513 non proverbes, 111 proverbes nouveaux et 54 parémies hongroises. Les proverbes nouveaux sont sédimentés ou en voie de sédimentation, délimitant une époque, proverbes détournés, para-parémies ou encore proverbes fortement connotés par un jugement de valeur. Certains proverbes nouveaux (presque proverbes) sont proches des proverbes anciens, c'est-à-dire figés à l'écrit, ou actuellement circulant à l'oral et résultent de la variation parémique que subissent certains proverbes. Ils sont nouveaux par leur message surtout, issus pour beaucoup de la nécessité, car il fallait bien enregistrer les mutations socio-politiques et culturelles dans ces dernières périodes de remises en question multiples, durant le communisme et le post communisme (en voici un exemple: "dă-i Doamne, la ăl de stă că ăl de lucră capătă! Donne, mon Dieu, à celui qui ne fait rien, car à celui qui travaille on lui fait l'aumône!". Les proverbes détournés montrent un changement majeur, quant à la conscience proverbiale en Roumanie: l'attitude critique touche jusqu'aux plus "respectables" proverbes, comme c'est le cas de celui-ci, dit 55 fois lors de 36 enregistrements (sur un total de 41 enregistrements): "fie pâinea cât de rea tot mai bună-n ţara mea aussi mauvais qu'il soit, le pain est toujours meilleur dans mon pays", qui est à l'origine de: "fie pâinea cât de rea, chiar aici în ţara ta, tot ţi-o fură cineva aussi mauvais qu'il soit, le pain, même ici dans ton pays, quelqu'un te le volera toujours"[ 4]. A mi-chemin par rapport aux proverbes détournés et aux proverbes ayant subi une contamination proverbiale, les para parémies tentent d'acquérir leur véritable autonomie. En s'appuyant sur une base parémique préexistante, ils avancent un message qui suscite, comme j'ai pu le constater, le sourire. En effet, l'ironie, la dérision, ou même l'autodérision sont souvent complices du proverbe et les Roumains ne s'en privent pas (par exemple: "cine-i harnic şi munceşte are tot ce vrea, cine şade leneveşte are tot aşa qui est vaillant et travaille, a tout ce qu'il veut, qui ne fait rien, qui est paresseux, en a pareillement" à partir de: "cine-i harnic şi munceşte are tot ce vrea qui est vaillant et travaille a tout ce qu'il veut".
Pour avoir une idée de l'emprise du code parémiologique sur le discours oral ou, pour dire autrement, de sa vitalité surprenante, j'ai misé sur la spontanéité. Il y a 890 énoncés (dont 710 proverbes et 47 nouveaux proverbes) qui forment globalement la réponse à ma première question: "Quels sont les proverbes qui vous viennent spontanément à l'esprit?" Cet état de faits dévoile, une fois de plus, le fonctionnement autarcique et axé sur ce que le philosophe de la culture L. Blaga (1991) nommait l'être historique, ce référentiel atemporel d'une identité hyperbolisée. Je répète que ce travail sur le terrain, bien que de première importance, s'impose en tant qu'étape préliminaire. Une enquête d'une plus grande ampleur permettrait non seulement de mieux argumenter ses conclusions, mais elle rendrait plus transparente la dynamique parémique et les rapports que celle-ci entretient avec la pensée imageante. Il faudra, à l'avenir, compléter le corpus ainsi obtenu en faisant appel à des informateurs membres de ces ethnies dont on n'a pour l'instant que le point de vue roumain. Pour plus de clarté, je distingue l'identité territoriale (et symbolique) de la Roumanie actuelle de sa géographie humaine. Avoir en partage un même espace géographique ne présuppose pas l'adhésion de l'individu et son acceptation (ici par les Roumains) dans l'identité territoriale. En m'appuyant sur les résultats de cette enquête, je voudrais attirer l'attention sur la configuration des composantes ethniques dans et par rapport à l'identité roumaine et mettre ainsi en évidence l'ethnocentrisme roumain, tendance toujours actuelle.
3. Les Roumains et les Autres...
Ce sont les autres, croit-on en Roumanie, par leur présence et par leur nombre, réel ou supposé, qui créent un décalage et empêchent à ce que ces deux entités se superposent. Un indice important, pour comprendre l'appréhension générée par ces présences est, en effet, leur nombre. Mais les statistiques sont peu fiables, contradictoires, et cela traduit un malaise, car il est impossible d'avancer un chiffre exact concernant le nombre des Tsiganes Roumains, par exemple. Je ne prend pas cet exemple au hasard, et m'empresse de dire que la situation ne semble guère être meilleure pour les autres Turcs, Tatars, Bulgares, Hongrois ou même Allemands. Les faits parlent d'eux-mêmes: les Allemands, les Hongrois, les Juifs sont, pour beaucoup d'entre eux, partis vers l'Allemagne, la Hongrie ou Israël. C'est un aveu, lorsqu'il s'agit de départs collectifs. Le terme d'expatriation déborde la notion de choix, et correspond bien davantage à cette attitude (d'opportunité? enviable? ou regrettable?). En tous les cas, nul ne saurait nier le malaise révélé par le fait que ce pays compte en mars 2002, 21'698'181 habitants, contre 22'789'000 habitants en juillet 2001, ou 23'000'000 à la fin de l'époque d'or de Ceauşescu. Les minorités ethniques[ 5] posent problème, à commencer par leur nombre, et force est de constater la difficulté du gouvernement roumain d'adopter une position claire et cohérente à leur égard, pour ne pas dire de prendre, enfin, conscience de l'urgence d'accorder l'attention nécessaire à leur re-connaissance. Cet autre est considéré en tous les cas étranger, sa présence est plus ou moins tolérée, il est souvent inférieur (aux Roumains) - et cet état de faits est si généralisé que rares sont les informateurs qui n'avancent que timidement vers l'insulte -. À noter l'exception faite pour l'ethnie allemande: une ethnie vue sous son meilleur jour ("ai minte de neamţ, tu as l'intelligence d'un Allemand"), valorisée par mes informateurs au-delà de toute limite supposée raisonnable ("să fie ceasu cum e neamţu, que la montre soit comme l'Allemand"), ce qui ne va pas sans reposer le problème de la place de l'identité roumaine.
Aussi faut-il bien noter cette configuration de la géographie humaine en Roumanie actuellement, avec une très nette distinction entre nous (Roumains) et les autres (dont les ethnies tsigane et allemande délimitent les marges). Cette vision sécante et hiérarchisant les présences ethniques, procède par comparaison et jugement de valeur; elle se fonde avant tout sur la reconnaissance, dans l'imaginaire des Roumains, d'un chez soi exclusivement roumain. Il est question d'un espace re-connu et capable de circonscrire un être référentiel abstrait et fédérateur. Que l'on y reconnaisse à ce niveau une identité collective ou que l'on accepte plutôt l'existence d'un inconscient collectif, qu'il soit question donc d'un caractère ethnique ou plutôt de ses manifestations plurivoques, il y demeure, à l'évidence, les reflets de cette dynamique qui rapproche et distancie en même temps. Dans la mesure où la distinction entre ce lieu identitaire ethnique et ce qui globalement peut être nommé espace de l'altérité[ 6], est forte, l'individu se trouve confronté à un choix (conscient ou non): quelle attitude observer dans les rencontres avec les autres et dans quelle mesure faut-il marquer une distance par rapport à ce qui est différent de (chez) soi?[7]
3.1. Identités nominales en Roumanie aujourd'hui
Se différencier de l'autre, c'est oeuvrer à sa propre construction identitaire, à travers la transmission culturelle. L'acculturation antagoniste (G. Devereux, 1972) peut être un mode de fonctionnement des composantes ethniques à l'intérieur d'une identité territorialisée. C'est la volonté de se distinguer du plus proche tout en opérant une projection de ce qu'on ne veut pas savoir de soi. Cela procède d'une observation participante, puisque relationnelle. On est en situation de proximité (territoriale) et de distanciation symbolique, l'approche crée l'éloignement. De cette manière, une dynamique relationnelle est non seulement activée, mais constamment fonctionnelle, jusqu'à pouvoir affirmer sa nécessaire permanence. En d'autres termes, plus on ressent la présence de l'altérité dans le chez soi, plus cela reflète une inquiétude de soi; si l'autre me semble (tout à coup ou progressivement) et au-delà d'un certain seuil, visible, c'est que mon être s'évanouit d'autant plus, fragilisé par une frustration. Dans le cadre discursif, avoir recours d'une manière spontanée ou stéréotypée à une focalisation sur l'identité ethnique, c'est, indirectement, attirer l'attention sur une problématique bien plus complexe et qui concerne de près ou de loin le locuteur. Dans le processus d'identification versus distanciation par rapport à l'ensemble ethnique, il se trouve en situation de projeter au devant de la scène ce qui demeure habituellement (et naturellement) en arrière plan de sa conscience. Nommer un individu par un ethnonyme, c'est lui prêter, pour l'occasion, une identité ressentie inhabituelle, aussi bien par lui que par celui ou ceux qui procèdent à cet acte. Et même si l'ethnonyme lui correspond ou rencontre l'adhésion de celui qui est ainsi nommé, cela n'est pas anodin: il s'agit d'une mise à l'index d'un trait, d'un détail (moral ou physique), qui est en cela trompeur, car il cache, ignore ou nie complètement l'individualité respective. Or, il se trouve que cette pratique est aujourd'hui monnaie courante en Roumanie, et l'on est frappé d'une part par la nonchalance et la légèreté, l'innocence feinte voire la jouissance dont font preuve les locuteurs s'adonnant à ces pratiques langagières, et, d'autre part, par le contenu, toujours plus lourd d'un jugement de valeur qui traduit le ressentiment, la frustration, l'incompréhension, le décalage, tout autant que l'ignorance, le mépris, le désaveu, le refus, le racisme. Les exemples pullulent et je n'en prendrai ici que quelques uns, me limitant à signaler les tendances actuelles, tel que cela ressort de l'analyse du terrain. À remarquer d'ores et déjà que le code parémique roumain comporte un nombre conséquent de formes contenant un ethnonyme. Ceci n'est pas nouveau, bien au contraire, dès les premiers recueils du 19e siècle, l'on trouve, à quelques différences près, un même état de choses (par exemple, le Bulgare, le Grec, le Juif, mais aussi le Roumain, apparaissaient plus fréquemment, tandis qu'actuellement le Tsigane préoccupe bien davantage).
3.2. L'emploi des ethnonymes dans les parémies (résultat d'enquête)
Notons l'existence de nombreuses parémies qui indiquent un emploi fréquent de stéréotypes et la référence au code parémique pour se voir et se donner à voir; ces emplois procèdent de l'observation participante, dans la dynamique relationnelle de la société roumaine. Le Roumain a souvent recours à ce processus de différentiation ou d'identification aux autres. La comparaison est le procédé le plus fréquent. (ex.: "e bine să ai cap de neamţ, c'est bien d'avoir une tête d'Allemand", "jidanu zice: dă-mi Doamne mintea la mine cum are românu la urmă, le Juif dit: donne-moi, mon Dieu la sagesse que le Roumain a après coup [après avoir fait quelque chose]", ou "românu bagă mâna în sac şi ia tot, şi evreu ia doar cât are nevoie, le Roumain met la main dans le sac et prend tout, le Juif prend juste ce qu'il lui faut").
Il convient de distinguer dans l'emploi des ethnonymes, deux cas de figure:
a. Endogène - Pour un des membres de sa propre ethnie, soit l'utilisation du même ethnonyme (Par exemple: "românu tace şi [le] face, le Roumain se tait mais il [en] fait"), soit l'utilisation d'un autre ethnonyme (Par exemple: "nu fi ţigan!, ne soit pas Tsigane!", "nu te ţigăni!, ne fais pas [comme le] Tsigane!", ou "nu fi turc!, ne sois pas Turc!", ou encore "eu sunt mai turc decât turcu, je suis plus Turc que le Turc!").
b. Exogène- Pour un individu qui est ipso facto identifiée à l'ethnie respective (Par exemple: "ţiganu cântă de foame, le Tsigane chante lorsqu'il a faim", "eşti/ e jidan[ 8] şnapan, tu es/ il est Juif voleur", "evreul îi mare jidan, le Juif est un grand Jidan", "jidanu e frate cu ţiganu, le Juif est frère du Tsigane", "ho că nu dau turcii, eh, ho, les Turcs n'arrivent pas!", "să nu faci comerţ cu grecul, ne fais pas de commerce avec le Grec", ou encore "ho, că nu dau tătarii!, eh oh, les Tatars ne nous envahissent pas!"
Ces quelques exemples montrent bien que la structuration parémique dans son processus de sédimentation proverbiale est dynamique. Il est néanmoins prudent de considérer cela seulement en tant que partie visible d'un mécanisme complexe, agissant en profondeur, et dont l'action s'inscrit dans la durée. La variabilité et la recrudescence des formes plus ou moins structurées et en voie de sédimentation ne doivent pas, à mon sens, faire uniquement penser à la vitalité du code parémique roumain. Elles sont également le signe d'une de-structuration, déstructuration opérée par l'image mentale (agissante) qui déborde le cadre de la parole proverbiale. L'auctoritas proverbiale se trouve ainsi battue en brèche par le stéréotype.
3.3. Quand nommer c'est juger
Les Tsiganes et les Hongrois préoccupent tout particulièrement la société roumaine actuelle. Si la population tsigane inquiète, dans le cas des Hongrois, ce sont les éventuelles actions revendicatives de la Hongrie qui incitent les Roumains à une certaine vigilance. Le Tsigane, en roumain ţigan, est un ethnonyme dont la dévalorisation atteint jusqu'à la négation de l'humain. En voici deux exemples:
"ţiganu-i dracu, le Tsigane est le diable", lance un jeune Roumain âgé de dix ans, en guise d'unique enseignement qu'il semble avoir pu tirer en réécoutant une petite histoire drôle racontée par sa grand-mère[ 9] et ayant comme protagoniste le Tsigane;
"zii ţigan şi trage apa, dis Tsigane et tire la chasse".[ 10]
Il faut bien noter que les Tsiganes ne sont plus esclaves seulement depuis 1864. Durant des siècles (leur présence est attestée depuis le 14e siècle sur les territoires de l'actuel pays), ils ont appartenu aux propriétaires terriens ou à la couronne, et, liés à la terre qu'ils travaillaient, ils pouvaient être achetés, vendus ou offerts, par exemple, à l'église...Ces actes comportaient alors des formules du genre: n hectares de terre et n âmes (des Tsiganes). S'ils ont retrouvé la liberté de libre circulation, dans la mouvance de la naissance de la nation roumaine qui occupe pratiquement la seconde moitié du 19e siècle, ils ont néanmoins gardé cette nomination stigmatisante. Esclave hier, le terme garde cette connotation d'infériorité par rapport à l'humain:
"Le commerce des Gitans semble être inévitablement un tournant historique: à partir du moment où ils furent importés en masse, les préjugés à leur rencontre furent définitivement établis. Le terme "gitan" (et toutes ses variantes locales) ne désigne plus un groupe ethnique, ni même, comme c'était parfois le cas, un groupe professionnel, musiciens ou ferronniers. Pour la première fois,[ 11] il désigne l'ensemble d'une classe sociale: la caste des esclaves." (Fonseca, 2003, p.193).
Sur un nombre élevé, de 61 éléments recueillis lors de mon enquête, 18 sont proverbes, 4 presque proverbes et 39 non proverbes. La structuration misant davantage sur la transparence que sur la valeur poétique, ils se démarquent par une certaine fragilité et immédiateté de l'image, ce qui laisse entendre que, pris séparément, leur vitalité est limitée. En ce qui concerne le type d'images présentes, seulement 10 sont présentatives et l'on observe une très forte tendance à la projection, avec des jugements de valeur fortement marqués (images projetées agissantes, de refus, pour la plupart d'entre elles). Concrètement parlant, les Tsiganes inquiètent et l'on pose sur eux un regard empreint de peur (qui engendre le refus), contre laquelle l'on emploie la dérision, la moquerie, le rire sur tous les tons et très souvent le dénigrement. Ainsi, au-delà de leurs indéniables qualités d'artistes et d'artisans, de l'attachement à leur communauté, de la reconnaissance de leur souffrance, ce qui noircit cette vision, ce sont les divers traits épais concernant leurs actes, leur manière d'être et finalement, le fait de s'imposer tout simplement par leur présence. Il est vu paresseux, "collant" et agaçant, ingrat et cruel envers les siens. Il est aussi attaqué en sa qualité humaine essentielle, considéré peu ou pas fréquentable. Le fait d'être un Tsigane est ipso facto, selon beaucoup de non proverbes, un défaut. Ainsi, la caractéristique d'appartenance ethnique est critiquée comme une tare incorrigible, comme un fait irrémédiable, et devient la cible des attaques virulentes ("ţiganu e ţigan şi în ziua de Paşte, le Tsigane est Tsigane même le jour de Pâques", "ţiganu dacă dimineaţa nu-i ţigan, după masă tot e ţigan, le Tsigane, si le matin n'est pas Tzigane, l'après-midi il sera tout de même Tsigane"). Hormis le fait que le Tsigane chante,[ 12] toutes ces images convergent pour donner un portrait extrêmement négatif, ce qui reflète indéniablement l'intolérance que les Roumains[13] manifestent à leur égard. Sans pour autant minimiser ses implications néfastes, il faut noter que l'anti-tsiganisme roumain n'est pas unique en son genre, même si ailleurs, ses manifestations sont souvent plus euphémisées... Tout comme l'antisémitisme - auquel il est souvent associé -, il procède de causalités multiples et complexes, qui s'enracine profondément dans les strates de l'imaginaire des Européens (H. Asséo, 1994). Après 1989, les Tsiganes ont eux-mêmes demandé le changement d'ethnonyme, jugé trop chargé négativement, en optant pour celui de Rom (ils réaffirmaient ainsi étymologiquement, leur qualité d'être humain, rom signifiant en langue romani homme). L'orthographe roumaine impose la double consonne, faible rempart contre la confusion étymologique entre rom et român (roumain). Ce nouvel ethnonyme, Rom, est la preuve d'un désespoir: les Tsiganes comptent recouvrir, aux yeux des autres, leur indéniable qualité humaine. Mais cet effort semble déjà compromis, car cet ethnonyme subit une érosion sémantique, sous la pression de la dérision et, on ne peut en douter, de l'ethnocentrisme roumain (il est probable que cette malencontreuse ressemblance rom - român en soit aussi pour quelque chose).
4. Identités langagières et projection d'images
Ce qui intéresse au premier chef, c'est le processus de construction, réitération et sédimentation de la parole; une parole qui dévoile, pas tant par son contenu que par cette volonté de réinvestissement d'une structure qui offre à ce qui est dit des assises durables et impose en vertu de son autorité un mot, un syntagme, une ébauche ou une bribe de pensée, bref, une vue unilatérale. Lorsque je dis Tu es un Tsigane ou Le Roumain reste toujours Roumain, ce n'est pas ce qui est dit qui gêne, mais le fait d'avoir eu recours à une structuration proverbiale pour le dire; c'est d'approcher le proverbe de l'image, par cette pensée imageante et agissante qui présente, à mon sens, un réel danger: celui de donner plus de poids que cela ne mérite à la différenciation et d'ériger en vérité générale une opinion particulière. Il faut remarquer en ce sens, ce gonflement de l'image qui tend à devenir un récit, une petite histoire ou une blague, de façon à trouver crédit dans cette assise langagière structurée; un récit en quête de vraisemblable et qui place au point fort (du départ ou de la conclusion), l'image ou le proverbe-image, comme un raccourci inséré dans un discours aux allures argumentatives. Faire appel à la structuration, au moule parémique pour le charger de ce qui, existant et se montrant bien visible, gêne et de ce fait est (volontairement ou non) tenu à l'écart, équivaut à dénoncer indirectement une fragilité non négligeable de sa propre image, in fine, d'une identité malmenée et mal assumée depuis des lustres. Il faudra, une fois pour toutes, dénoncer cet ethos de la centralité, tel qu'il a été enraciné depuis la naissance de la nation roumaine, renoncer à l'unicité virtuelle et dommageable d'un peuple dont la fierté est encore si mal placée!, du côté de son origine daco-romaine.
Quelle est cette frustration qui fragilise l'identité plurielle en Roumanie aujourd'hui? La question mérite une attention toute particulière et en amène aussi d'autres: n'y a-t-il pas dérèglement au niveau de la transmission culturelle? Peut-on penser la roumanité sans tenir compte de son aspect multiple? Le trop plein ou le vide identitaire dénoncés actuellement, et confirmé par l'attitude des Roumains eux-mêmes dans la communication avec les autres ne peuvent que confirmer, si besoin est, la présence d'un décalage entre ce que l'on pense de soi et ce que l'on est obligé d'admettre à son sujet. Concrètement parlant, la diversité humaine que l'on redécouvre suite à l'ouverture des frontières, pose en d'autres termes la relation à soi: si l'autarcie avait créé un individu éperdument assujetti à l'être collectif (j'existe à travers, par rapport à nous tous, Roumains dont on occulte consciemment ou non les différenciations), l'anéantissement de cette autarcie est probablement en train d'imposer la tendance de l'atomisation de la société, selon ses composantes ethniques. Je ne parle pas ici de frustration d'ordre économique, d'aisance... bien que cela ait une incidence sur sa manière d'être et de se positionner par rapport au monde. C'est une frustration d'ordre symbolique, profondément enracinée et je dirai même cultivée, réactivée étape après étape dans le trajet anthropologique roumain. S'ajoute à cela, une pensée empreinte d'un mélange de fatalisme et de fierté dans la démarche collective ou individuelle, cette manière d'accréditer le compromis et de l'ériger en mode de fonctionnement, faute de netteté de vision. Ce sont, finalement, parmi les lignes de force du "portrait globalisant"[ 14] roumain, la patience et la prudence (si paralysantes qu'elles peuvent être prises pour une pure et simple impuissance), qui ouvrent la porte à la corruption. Avoir recours au compromis est compromettant, or le compromis apparaît souvent (trop souvent) en tant qu'unique solution, besoin fatalement sous le signe de l'urgent. Le revers de médaille de la complexification de la réalité roumaine aujourd'hui c'est la recherche de stratégies de simplifications. Simplifications réductrices et dangereuses qui font aboutir à une séparation de ce qui est insécable. Penser la différence, c'est donner une chance au dépassement des frontières et à la communication. Ce qui est véritablement dangereux, c'est l'inconscience de la différence qui nous relie, son occultation pure et simple, jusqu'à une violence impensée, faussement spontanée donc, une violence du désespoir de ne pas être pour l'autre. Encore une fois, le langage, le comment dire, trahit les pensées refoulées, et il n'est pas rare de voir, lorsque les frontières tombent, dépasser cette censure ou autocensure langagière. Le dire et le faire se suivent de près (Bourdieu, 1982). Affirmer sa différence dans l'espace humain, c'est affermir son identité, mais ne pas y faire place à l'altérité mène à l'affrontement; la complexité de l'être, dans son espace symbolique, implique un tissage relationnel dont l'équilibre une fois menacé ou rompu laisse place à l'affrontement, à l'éclatement, au racisme et à l'élimination. Les conséquences d'un tel affrontement laissent des traces indélébiles.
5. L'ethnocentrisme roumain hier et aujourd'hui
Ce qui a toujours posé problème, ce n'est pas le vide ou le trop plein identitaire. C'est l'affrontement des thèses qui imposent une lecture de l'histoire a posteriori et sous tendue par une idéologie. Que l'on soit du côte roumain, de la justification ou du côté hongrois, de la réfutation des preuves et de la revendication, l'on se trouve vite dans un tourbillon discursif qui n'a comme effet que d'éroder un peu plus le terrain, déjà glissant, de la société roumaine. Mais il faut rappeler, même brièvement, quel est ce contentieux. Le fondement théorique de la thèse roumaine est l'origine commune, l'unité et la continuité de tous les Roumains dans l'espace carpatho-danubiano-pontique. Des zones d'ombres, un manque de preuves tangibles, la présence des populations proches au sud du Danube, tout cela entretient le doute et justifie par là même le dynamisme d'une construction identitaire privilégiant l'axe vertical, d'un attachement sans bornes à la terre. Elle est nommée roumaine (exclusivement roumaine), investie de valeurs symboliques, jusqu'à la surcharge, qui lui confèrent la suprématie (et l'exigence inconditionnée du sacrifice suprême de la part du Roumain), elle est nourricière, protectrice, alliée, elle est in fine le liant défiant le temps (c'est-à-dire l'histoire, y compris le présent). Mais nulle part l'on ne trouve la mention des présences ethniques l'ayant pourtant défendue à travers les siècles de lutte... Il est pourtant impensable qu'il en ait été autrement. À l'encontre de la thèse roumaine, les Hongrois soutiennent qu'il y a discontinuité, déplacement dans l'espace (du sud au nord) et s'attachent à démontrer l'existence, pour les Roumains, d'une "patrie mobile" (C. Durandin, 1995, p. 40). Ils se posent ainsi en premiers occupants de la Transylvanie, où, très tardivement (1699), un ordre, basé sur des privilèges et des exclusions sociales existant déjà des siècles auparavant, est confirmé par la monarchie des Habsbourg. Les Hongrois, les Sicules et les Saxons sont privilégiés, les Roumains (représentant au moins 50% de la population au 18e siècle), tolérés. Sur ce fond de différend alimenté régulièrement et qui exige, d'un côté comme de l'autre la récupération de tout argument capable de contrer le camp adverse, la société roumaine s'est structurée par juxtaposition de ses composantes ethniques, sans aucunement lui laisser perdre de vue le besoin vital de sa filiation latine. L'impasse est créé: comment accepter la diversité ethnique sans (se) mettre en danger? La voie de la minorisation est ainsi tracée, les rôles se sont inversés: les Hongrois, les Sicules, les Saxons, aux côtés des Tsiganes, Juifs, Turcs, et autres voisins (Bulgares, Russes, Ukrainiens) partageront l'histoire des Roumains, mais sans pour autant avoir les mêmes droits historiques, seront sur la terre roumaine, mais occultés dans sa transposition imaginaire, à l'écart, comme ils se trouvent, par rapport à la latinité, la continuité et à l'unité des Roumains. Comme argument à cela, il y a la parole stéréotypée en proverbes-images, telle qu'elle m'a été confiée lors de mon enquête en Roumanie: la présence de ceux qui sont nommés globalement "co-nationaux", "concitoyens", "les étrangers", ne laisse de gêner... c'est un poids, un problème à régler, un souci politique.[ 15] C'est, néanmoins, une richesse humaine qui, à défaut d'être prise en considération comme telle, s'épuise à clamer son droit à l'existence, tout en accumulant des tensions qui mettent en péril la communication, la cohésion sociale.
La reconnaissance et la nomination de l'autre, en tant que marqueurs d'identité, s'inscrivent donc dans un processus concernant la société en son ensemble, dans une dialogie permanente et vivifiante entre hier et aujourd'hui. J'observe alors que l'identité symbolique des Roumains demeure fortement territorialisée, ce qui met en danger la géographie humaine, dans sa réalité actuelle. Cet état de faits ne saurait être amendé par l'histoire, bien au contraire, son enseignement se dresse avec autorité contre toute tentative de répit, quant à la mission de sauvegarde de la roumanité, en tant que fière héritière des Latins. Ce qui est paradoxal, en revanche, (et non moins salutaire), c'est la capacité de synthèse, d'assimilation des différences. Nullement exempte d'influences, prise au piège d'un ethnocentrisme exacerbé durant l'époque communiste, la société roumaine se doit d'accepter dans l'urgence une identité qui, perdant quelque peu de son aura symbolique, saurait intégrer ses réalités ethniques autrement minorisées, sinon occultées. Il en va de son propre bien-être, de la destinée des individus mêmes s'y reconnaissant.
Dans la mesure où ces pratiques langagières d'identification et de nomination de l'autre procèdent d'une vision sécante et hiérarchisant les composantes ethniques d'une société, elles sont, sans nul doute possible, à dénoncer. Mais que les individus fassent appel à ces "prêt à penser" stéréotypés, cela demeure, au moins jusqu'à un certain point, la preuve de la vitalité de leur code proverbial. En ce sens, ces données restent maintenant à compléter par celles des champs parémiques propres aux ethnies non acceptées dans l'identité territoriale et symbolique des Roumains. Il sera ainsi possible de voir si cette manière de nommer et de juger l'autre n'est pas, dans une certaine mesure, le signe d'une forme de verbalisation cathartique ou, tout au moins, d'une thérapie sociale, de libération du refoulé.
- Notes:
1 .- Parémie, du grec paroimia, est employé en tant que terme générique pour toutes les formes brèves du style gnomique. On s'accorde généralement à regrouper ainsi les proverbes, les dictons, les maximes populaires, mais aussi les paroles proverbiales (vers populaires ou devenus populaires, slogans et autres stéréotypes proches du proverbe). Il n'existe pas, à ce jour, une distinction claire entre les uns et les autres, et pour cause, les voies de circulation (transmission et métamorphose, pour ce qui est de l'oral; tendance à se figer, pour ce qui est de l'écrit) sont responsables de la vitalité du code parémique, en son ensemble, sans mettre en contradiction l'écrit et l'oral. En revanche, et justement, en m'appuyant à la fois sur ces deux versants de la parole (l'écrit et l'oral), j'ai pu définir le proverbecomme un énoncé court, ancré dans l'oralité où il est validé par la/les communauté(s) en tant qu'oeuvre littéraire populaire, ayant donc toutes les caractéristiques qui en découlent: 1. point d'ancrage atemporel ou omnitemporel (auteur anonyme); 2. structure type + variation +/- forte; 3. sédimentation de valeurs reconnue. En mettant en valeur la dynamique proverbiale, par ce concept nouveau du proverbe-image, on entend ce proverbe actif, agissant au niveau des consciences pour induire une attitude. Plus que le proverbe, il est marqué par l'immédiateté d'une vue subjective. Il est également une image particulière, cadrée par la parole proverbiale. Il est enfin l'opérateur du regard partagé, ce qui veut dire que son action vise à l'inévitable rencontre entre soi et les autres, aux différents niveaux que cela comporte.
2.- A titre d'exemple, cet épisode révélant les failles de mon questionnaire et m'imposant la remise en question de certains acquis de mon époque communiste:
En 1999, à Covasna, en visite chez des amis Hongrois de Roumanie, j'ai profité de l'occasion pour tenter un élargissement de mon champ d'enquête en leur proposant de répondre à mon questionnaire. Je me suis alors rendu compte que ma vision était encore trop centrée sur l'existence roumaine, gommant de fait ces présences autres (par exemple, la question no 5: "Savez-vous des proverbes qui montrent l'amour du Roumain pour les lieux de ses origines, pour les rivières, la forêt, les montagnes?"; ou no 30: "On sait que chez nous, les Roumains, l'hospitalité est... proverbiale. Pourriez-vous nous rappeler quelques proverbes où l'on parle des hôtes et du devoir de les honorer comme il se doit?"). À la réflexion, je dois admettre que j'étais encore empreinte (même si partie de Roumanie depuis 1991), de cette culture (culte) de la patrie dont le maître-mot avant 1989 était: "l'origine commune, l'unité et la continuité des Roumains sur ce même territoire", et que, inconsciemment, j'avais gardé (et je garde peut-être encore) des bribes de cet enseignement-là.
3.- Après la chute de la dictature de Ceauşescu et du communisme, le 22 décembre 1989, sous les apparences de la démocratie, un régime néo-communiste se met en place, sous le pouvoir de Ion Iliescu (à nouveau aujourd'hui président de la Roumanie). La faillite d'un système d'une telle longévité et qui avait tant bien que mal assuré une stabilité indiscutable, (même si avec des méthodes, elles, tout à fait discutables!), l'économie de marché, la libéralisation des prix, les difficultés matérielles et la corruption qui gangrène jusqu'au plus haut niveau le pouvoir, tout cela contribue à une détresse psychosociale dont on ne parle pratiquement jamais. Elle est pourtant responsable d'un véritable malentendu qui accompagne la communication franco-roumaine, telle que j'ai pu le constater à plusieurs titres, aussi bien en France, lors des entretiens ou conférences sur la Roumanie, qu'en Roumanie, ayant comme interlocuteurs des Roumains ou des Français.
4.- Extrait d'une des chansons du groupe Spitalul de urgenţă (Hôpital des Urgences). Si celui-ci connaît un grand succès depuis 1995 (année de sa première parution en public), c'est grâce aux textes satiriques à l'adresse des dirigeants et décrivant la réalité sociale roumaine en générale. Après 1989, plusieurs groupes de ce genre ont vu le jour, comme Vacanţa Mare (Les grandes vacances) ou Casa Loco (Maison Loco). La dernière chanson satirique de Casa Loco, par exemple, est Eterna şi fascinanta Românie (l'Eternelle et la fascinante Roumanie), une allusion directe à l'affaire Iliescu, concernant la publication en France d'un livre sur la Roumanie, publication aux frais du gouvernement, et qui s'est avérée démesurément coûteuse.
5.- "Les minorités nationales représentent 10,5% de la population. La population rom a augmenté de 135'000 personnes. Les résultats concernant cette ethnie sont contestés par ses responsables qui soutiennent que leur nombre réel est de 2 millions d'individus. Par rapport à 1992, il y a plus de Turcs, Grecs et Italiens mais 190'000 Magyars en moins. Les minorités serbe, ukrainienne et juive ont diminué. [...] Le Premier ministre considère ces résultats comme "un très sérieux signal d'alarme" et annonce que le Gouvernement essaiera de stimuler la croissance de la population avant la fin de cette année.", in La Roumanie au quotidien, (bimensuel d'actualité roumaine en langue française), 17 juin - 7 juillet 2002.
6.- Tout en sachant qu'il y a, jusqu'à un certain point, superposition entre ces deux entités, comme le rappelle clairement Laplantine (1999, p60-61): "C'est bien ce postulat proclamant que l'altérité est "au-dehors" et l'identité "au-dedans" qui continue à faire obstacle au mode singulier de connaissance qui est celui de l'anthropologie, pensée de la relation et non de la séparation, pour laquelle il n'existe jamais rien d'intrinsèque, d'inhérent, d'intérieur, d'essentiel, de profond, ni de seulement superficiel non plus.
7.- En me posant ces questions, j'ai présents à l'esprit des témoignages qui mettent en évidence que les difficultés au niveau communicationnel sont bien réelles (cf. Durandin, 2000; Camboulives, 1999).
8.- Jidan - populaire et péjoratif: Juif.
9.- À Moldoviţa, août 1999, Enregistrement no 20, avec Cârmaci Eugenea, paysanne, 59 ans et Dujac Ştefan, 10 ans, élève (Mihai, 2002, p. 990).
10.- À Oradea, avec Crainic Ioan (Enregistrement no 10, 1998), (Mihai, 2002).
11.- L'argument que l'auteur avance est sans doute un enregistrement tardif d'un état de faits. Le voici: "Certains maîtres pouvaient même donner à leurs Gitans un lopin de terre pour leur donner le goût de l'agriculture, ou, quand il n'y avait plus de travail au champs, les autoriser à jouer de la musique [...] mais ils perdirent leur liberté [...] de sorte que, dans les deux principautés, le mot "Cigain" devint synonyme d'"esclave"", (Kogălniceanu, 1837)
12.- Encore faut-il préciser, sans donner pour autant une vision pessimiste, que même ce pont culturel m'a paru quelque peu fragilisé aujourd'hui, car l'on ne voit pas toujours d'un bon oeil (cf., par exemple, l'Enregistrement no 8) le fait que les formations artistiques Tsiganes se fassent les ambassadrices de la musique populaire roumaine. Mais, ajouterais-je, occulter l'apport tsigane en ce domaine précis, c'est nier une partie essentielle du folklore, tant au niveau de sa transmission-création, qu'en ce qui concerne l'enrichissement par apport étranger. (voir Cuisenier, 2000, p.292-310).
13.- Du moins ceux qui s'y sont exprimés en ce sens dans le cadre de cette enquête. Le fait qu'ils soient nombreux ne laisse d'inquiéter, car nous n'avions bien évidemment pas choisi nos informateurs en fonction d'un présupposé penchant à l'intolérance.
14.- Il s'agit d'une image anthropologique globalisante, résultat des touches successives apportées par les informateurs tout au long de l'enquête. À ce niveau, la fréquence et la variation offrent un appui incontournable.
15.- Comme le révèle actuellement la publication d'un livre s'attaquant à la perte de pouvoir politique roumain face aux ethnie, livre publié par un parlementaire: Mesca, Sever. Constituţia României şi democraţia etnică, Bucarest, 2003.
- Références bibliographiques:
Asséo, Henriette. Les Tsiganes, une destinée européenne, Découverte Gallimard, coll. Histoire, 1994, 160 p.
Barth, Fredrik. "Les groupes ethniques et leurs frontières (1969)", in Poutignat, Pierre et Streiff-Fenart. J. Théorie de l'ethnicité, Paris, PUF, 1995, p203-249.
Blaga, Lucian. L'être historique, Paris, Librairie du Savoir, 1991, 243 p. (coll. Philosophia Perennis), [traduit du roumain par Mariana Danesco; en Annexe: Eloge du village roumain, discours de réception à L'Académie roumaine, le 5 juin 1937).
Bourdieu, Pierre. Ce que parler veut dire. L'économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982, 247 p.
Camboulives, Bernard. Journal de Roumanie. Les richesses sous les gravats, Fontenay-sous-Bois, Anako, 1999, 317 p.
Cuisenier, Jean. Mémoire des Carpathes, La Roumanie millénaire: un regard intérieur, Paris, Plon, 2000, 569 p.
Devereux, Georges. Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion, 1972, 282 p.
Durandin, Catherine. Histoire des Roumains, Fayard, 1995, 573 p.
Durandin, Catherine. Roumanie. Un piège?, Saint-Claude-de-Diray: Editions Hesse, 2000, 165 p.
Fonseca, Isabel. Enterrez-moi debout. L'odyssée des Tziganes, Paris, Albin Michel, 2003, Collection Latitudes traduit de l'anglais par Laurent Bury, 340 p.
Gerassi, Jean-Michel. "L'individu comme être culturel. La complexité culturelle", in Le petit enfant et l'éveil culturel. Rôle des familles, rôle des institutions, Paris, Syros, 1994, Institut de l'enfance et de la famille, Actes du colloques "Transmission et éveil culturel", organisé par la ville de Saint Égrève, les 15-16 janvier 1993, 192 p.
Hagège, Claude. L'homme de paroles, Paris: Fayard, 1985, 308 p.
Kogălniceanu, Mihail. Esquisse sur l'histoire, les moeurs et la langue des Cigains, Berlin, Behr Verlag, 1837.
Laplantine, François. Je, nous et les autres, Etre humain au-delà des appartenances, Paris, Le Pommier-Fayard, 1999, 152 p.
Le petit enfant et l'éveil culturel. Rôle des familles, rôle des institutions, Paris, Syros, Institut de l'enfance et de la famille, Actes du colloques "Transmission et éveil culturel", organisé par la ville de Saint Égrève, les 15-16 janvier 1993, 192 p.
Mihai, Carmen. Images rémanentes de la latinité dans la littérature roumaine, travail de recherche du DEA "Histoire et Civilisations", Université Paul Valéry, Montpellier, sous la direction de Thomas,Joël; cette recherche a fait l'objet d'une publication partielle in Aletheia, Revista de Ştiinţă şi Dialog Interdisciplinar, no 8/1997, Oradea.
Mihai, Carmen. Le Proverbe, forme de sagesse populaire? Images de soi et images d'Autrui dans les proverbes roumains aujourd'hui - thèse de 3e Cycle soutenue le 15 mai 2002, à Aix-en-Provence. Voir notamment la 3e Partie: Des proverbes-images à l'imaginaire des Roumains.
Todorov, Tzvetan. Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Editions du Seuil, 1989, 538 p.
Vico, Giambattista. La science nouvelle (1725), Paris, Gallimard, 1993, (coll. Tel, no 227), 432 p.
- Notice:
- Mihai, Carmen. "Identités nominales et langagières dans la Roumanie actuelle. Les proverbes-images", Esprit critique, Hiver 2004, Vol.06, No.01, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
|
|