La condition interdisciplinaire dans les métiers relationnels: une mise en problème à partir du cas du secteur sociosanitaire
Par Yves Couturier et Isabelle Chouinard
Auteurs:
Yves Couturier, Ph.D. Université de Sherbrooke, Québec, Canada.
Isabelle Chouinard. Université de Sherbrooke, Québec, Canada.
L'observateur intéressé par le monde du travail aura constaté l'extraordinaire vigueur des appels à l'interdisciplinarité. Il aura en outre remarqué leur forte teneur normative: il faut travailler ensemble. Qu'il s'agisse du domaine sociosanitaire (Levy, 1993) ou de l'éducation (Lenoir et Sauvé, 1998), entre autres, rares sont les métiers appliqués qui n'ont pas reçu de pressantes invitations à décloisonner leur pratique, à collaborer avec ce qui était encore hier un éventuel concurrent. À un autre niveau, il en va de même pour la pratique de la recherche (Apostel, 1983; Hamel, 1995b). Il serait fastidieux de recenser les groupes et centres de recherche qui se revendiquent d'une forme ou l'autre d'interdisciplinarité. En Amérique du nord, les universités ont promu la création de programmes thématiques de cycles supérieurs (autour d'un groupe, d'un segment culturel, voire d'une problématique) où l'objet d'étude convie sociologues, psychologues et autres chercheurs à collaborer. Cas ultimes, les programmes interdisciplinaires de doctorats sans objets ni disciplines fédérateurs, par exemple le programme de sciences humaines appliquées de l'Université de Montréal, programme n'ayant de rattachement formel à aucune faculté.
L'aire des débats sur l'interdisciplinarité
Pour l'essentiel, les réflexions sur l'interdisciplinarité se déploient essentiellement autour de deux pôles. Le premier, épistémologique, en appelle à la nécessaire unification de l'homme (Gusdorf, 1988) pour appréhender ce que l'analytique obsessionnelle de la partie, dans une perspective positiviste, avait dû sacrifier. L'autre pôle, pragmatique, évoque quant à lui la nécessité interdisciplinaire pour relever les défis de la complexité et des exigences morales qu'imposent les situations problèmes: il faut les résoudre de façon efficace. Pour ces deux pôles, il y a nécessité de travailler ensemble, ce que traduit d'ailleurs la forte tonalité normative de nombre de discours sur l'interdisciplinarité. Pourtant, malgré les reconnaissances formelles de cette nécessité, les critiques fusent, notamment pour ce qui serait usurpation d'identité: par-delà le discours, l'interdisciplinarité serait souvent déficiente, réduite à un séquençage multidisciplinaire, souvent aux prises avec des velléités disciplinaires (Hamel, 1995a), ici en un sens foucaldien du terme.
Tant au plan de la recherche que du travail appliqué, il apparaîtra donc maintenant saugrenu, petit, mesquin de soutenir qu'un groupe professionnel ou disciplinaire, évidemment le sien, puisse répondre à lui seul à une demande sociale, qu'il s'agisse d'intervenir sur le monde ou de produire quelque connaissance. Dans ce contexte, il importe, soit par nécessité épistémique, soit par nécessité pratique, de travailler ensemble (Mathurin, 1995). L'interdisciplinarité est ainsi paradoxalement connotée. D'une part, on y réfère avec force passion, comme salut de la science ou d'une pratique sociale, d'autre part on s'en défie en soulignant les divers galvaudages dont elle serait l'objet, dont le premier, celui d'une enflure rhétorique suspecte à l'homme et à la femme de raison: on en parlerait plus qu'on la pratiquerait réellement.
Qu'on la promeuve ou qu'on s'en méfie, il importe de prendre acte du fait que l'interdisciplinarité se réalise, par-delà les diverses pétitions de principe dont elle est l'objet, comme une condition pratique du travail qui produit ses effets, dont des effets inattendus, des réussites invisibles (Faure, 1992), comme celle d'un interlangage (Apostel, 1972) à la faveur d'un "contact entre sémiotiques" (Boutet et Gardin, 2001: 106). Ce changement de regard sur l'interdisciplinarité, moins normatif, plus analytique, appelle une observation du travail réel plutôt que prescrit. Aborder l'interdisciplinarité comme une condition du travail dans les métiers sociosanitaires constitue alors une sorte de renversement de la problématique. L'interdisciplinarité devient analyseur de l'épistémè[1].
Le sens pratique interdisciplinaire
Le renversement de la problématique permet donc au chercheur de s'émanciper d'une vision trop programmatique de l'interdisciplinarité pour s'approcher au plus près des pratiques. Lenoir distingue trois plans de l'interdisciplinarité: le plan scientifique, le plan disciplinaire et le plan pratique. La travailleuse sociale, l'infirmière, l'enseignant sont appelés, par pragmatisme, à composer avec ces trois plans. Il y a, dans ce sens, circumdisciplinarité (Lenoir, 2000), sans doute l'un des principes de constitution des communautés pratiques (Darré, 1985). Les exigences pratiques sont telles que le praticien se doit d'aller au-delà des savoirs homologués pour les arrimer entre eux, pour les faire jouer avec des savoirs d'expérience. Ni tout à l'expérience (fantasme praticien) ni tout au savoir (fantasme scientifique), la circumdisciplinarité se pose comme une condition praxéologique incontournable, et donc partagée par un ensemble de métiers de services aux personnes. Ainsi, les métiers relationnels comme le travail social participent d'une communauté d'intervention. Et nous avons soutenu (Couturier, 2001, 2002) que cette communauté interdisciplinaire est aussi un cercle herméneutique de l'interprétation de la nécessité d'intervenir. En fait, la circumdisciplinarité est une réponse pragmatique au fait que les problématisations sociales légitimant le droit d'intervenir sont précisément sociales, donc adisciplinaires, c'est-à-dire transdisciplinaires. Devant le cas d'un adolescent ayant des idéations suicidaires, chaque professionnel se mobilise et arrime son travail à celui de son confrère ou de sa consoeur. Ici, la diversité des actions, avec les dispositifs qu'elles engagent, se déploie dans une logique d'ensemble interdisciplinaire, celle de la nécessité d'intervenir. Ce faisant, la circumdisciplinarité se constitue aussi comme un véritable cercle panoptique où chacun voit et se sait vu. La clef de lecture de ce phénomène est cette nécessité d'intervenir, comme réalisation professionnelle de la problématisation sociale en question.
Cet ancrage de l'interdisciplinarité du côté des nécessités transversales d'agir provoque un renversement de la problématique en mettant de l'avant le caractère conditionné de l'interdisciplinarité. Si certains auteurs estiment que l'interdisciplinarité est d'abord "problem-posing and problem-solving" (Klein, 1996: 213), nous pensons à l'encontre de Klein que l'interdisciplinarité engendre certes un "generic model" (1996: 223), mais qu'il ne s'agit pas forcément de celui de la "resolution of problem". Il s'agit là d'une réduction praxéologique de la rencontre interdisciplinaire, qui produit selon nous beaucoup plus que cela, notamment des effets qui finissent par faire jurisprudence, par faire règle. Nous préférons donc une autre idée de Klein qui estime que "the rhetorical strategies [...] create interdisciplinarity discursive space" (1996: 220) qui tend à se constituer en une sorte de higher-level concept (Jantsch, 1971), soit un ensemble de buts interdépendants. Ce higher-level concept se lit comme un impératif d'action, une forme problématique, comme il en va des formes symboliques, posant transversalement ses nécessités d'action propres. La forme problématique de plus haut niveau est pour nous l'interventionnisme (Couturier, 2001) pour les professions de services sociosanitaires. Cette forme a ceci de particulier qu'elle articule les trois plans de l'action, le plan des systèmes, le plan praxéologique (ou vécu) et le plan praxique (ou subjectif). Au plan des systèmes, il s'agit par exemple d'impératifs de santé publique, au plan praxéologique de la production de micro-diagnostics sur l'urgence, la compliance, la résilience, et au plan praxique d'un engagement existentiel à l'égard de la souffrance. Ce qui est éventuellement porteur de connaissances ici, c'est l'activité de composition de ces trois plans de nécessités d'action. En fait, intervenir, c'est composer avec ces nécessités qui se posent comme transversales, en fait transcendantales, aux groupes professionnels en tant que tels.
La transversalité de cette condition interdisciplinaire du travail dans les métiers relationnels engage en pratique un "interdisciplinary habitus" (Klein, 1996: 104). Plus précisément, l'habitus de chaque professionnel se modifie en intégrant la condition interdisciplinaire du travail. Une topologie des configurations interprofessionnelles et intersectorielles de l'interventionnisme demeure dans cette perspective à réaliser en vue d'une meilleure compréhension des pratiques professionnelles actuelles. Il ne s'agit plus de faire un appel principiel à l'interdisciplinarité, au nom d'une efficacité praxéologique ou d'une nécessité épistémologique, mais bien d'analyser l'interdisciplinarité comme condition actuelle du travail dans les métiers relationnels. Le déploiement de l'interventionnisme, comme modalité transdisciplinaire et transectorielle d'action sociale traduit l'exigence d'une rationalisation du travail sur le social, notamment par un arrimage de plus en plus étroit aux problématisations sociales et aux activités de monopolisation et d'universalisation dont elles sont l'objet. Il ne s'agit donc pas d'une simple astuce langagière, d'une mode lexicale, mais bien d'un analyseur des transformations de la pratique professionnelle d'intervention sociale.
Le cas de la trousse médico-légale
Nélisse a étudié de très près l'implantation d'une technologie interdisciplinaire du travail touchant la question de l'intervention sociale en matière d'agression à caractère sexuel, la trousse médico-légale[2] (Nélisse, 1996). Avant l'implantation de cette trousse, travailleurs sociaux, médecins, infirmières, policiers, avocats et militantes féministes oeuvrant au sein d'une association citoyenne d'aide aux victime d'agressions sexuelles travaillaient plutôt en silo, éventuellement en établissant des canaux de collaboration ad hoc, en convainquant tel médecin ou tel avocat de l'importance soit d'une intervention psychosociale ou d'une intervention à caractère féministe (collectivisation du vécu, support inconditionnel, luttes collectives émancipatoires, etc.). Malgré la bonne (parfois la mauvaise) volonté des uns et des autres, les soins offerts aux victimes prenaient une variété de formes, selon que le médecin réduisait ou non l'agression à sa dimension physiologique, que le policier minimisait ou non le caractère traumatisant de l'agression, que l'avocat conseillait ou non à la victime de porter plainte, en regard des circonstances de l'agression (heure et lieu, habillement de la victime, type de rapport qu'elle engagea avec l'agresseur, etc.). De fait, le support donné aux victimes variait considérablement d'un cas à l'autre, notamment quant à la présence ou non des divers intervenants sociaux. La venue ou non dans le dossier d'une intervenante féministe pouvait occasionner des blocages de tous ordres, notamment quant à la judiciarisation du dossier. Un cas type de blocage: certains médecins, minimisant la dimension psychosociale du viol, conseillaient à la femme de passer outre le dépôt de plainte. En fait, les médecins n'aiment pas trop aller en Cour pour témoigner, leur jugement professionnel pouvant y être, sinon contesté, au moins questionné.
Notamment à l'initiative des groupes féministes qui ont réussi à problématiser la question du viol comme une priorité d'intervention publique, l'État québécois a constitué ladite trousse médico-légale et en a instituer l'usage. Cette trousse contient divers outils de prélèvement, mais surtout elle comporte un protocole d'intervention qui fait en sorte que dès son ouverture, les divers praticiens sont engagés dans un processus qui les conduira inexorablement vers la Cour, si la victime porte plainte. Ce faisant, l'effet premier de cette trousse a été d'engager les divers intervenants, et ce dans une grande partie par-devers eux, à négocier les uns avec les autres l'intervention à faire. Comme tout autre protocole, la trousse permet à chaque acteur de s'impliquer dans une action commune à partir de sa compétence professionnelle propre et d'y engager les autres sur la base d'une réciprocité des engagements et d'une transversalité des obligations. D'une certaine façon, un tel engagement conditionné procède d'une logique pacificatrice dans le champ professionnel, objet de luttes et de jeux de distinction incessants entre ayants droit de l'intervention. Elle transforme les conflits de territoires en transactions procédurales constitutives de l'intervention sociale. Ce travail d'engagement mutuel instille une tendance à l'égalisation formelle des statuts des agents par la reconnaissance de leur droit d'intervenir. Ainsi l'infirmière, la travailleuse sociale, l'agent de police, le médecin et la militante féministe sont engagés, par la trousse médico-légale, dans un type d'action en partie concertée, au moins négociée. Les jeux que permet l'intervention favorisent alors des accords pragmatiques faisant l'économie de la recherche du consensus sur les normes sous-jacentes à l'action et fondatrices de chaque profession (Couturier, 2002). Cette économie du consensus est motrice et principe de ce que nous nommons la translation (Couturier, 2001). De glissement de sens en glissement de sens, chacun se tait sur les équivoques au bénéfice de la coordination de l'action sociale.
Il ne faut cependant pas confondre protocolarisation du travail avec le vieux taylorisme et les sourdes craintes qu'il soulève, et que représente à elle seule la figure du technocrate, toujours rond-de-cuir, forcément vil du point de vue de ses détracteurs, puisque impratiquant. Plutôt que de la froide technostructure, il s'agit ici de dispositifs concrets d'intervention qui engagent la négociation du travail. Cela importe car la contrainte est admise tacitement par tous comme autant contraignante qu'habilitante de leur action.
La coopération, une condition épistémique de réalisation de l'action sociale
Nous proposons donc de contourner les divers programmes de l'interdisciplinarité pour la poser comme un objet, plus précisément en condition de la pratique professionnelle engageant une forme de coopération au travail (Duc, 2002). Et c'est dans cette perspective que les textes du présent dossier ont été rédigés.
Yves Couturier et Julie Daviau, de l'Université de Sherbrooke (Québec, Canada) présentent cette mise en problème pour le groupe professionnel des infirmières au Québec, sous l'angle spécifique de l'arrimage des modèles conceptuels de pratiques au déploiement d'une forme particulière de la condition interdisciplinaire du travail dans les métiers relationnels, soit l'interventionnisme. Cette forme particulière de la condition interdisciplinaire engage divers groupes professionnels à arrimer leur action à des nécessités d'intervenir socialement construites. La condition interdisciplinaire est donc explorée ici sous l'angle épistémique.
Cédric Frétigné, docteur en sociologie, nous présente un champ de connaissances en émergence, l'anthropo-écologie, qui pose comme objet les rapports entre l'Homme et la nature. Aux plans épistémologique et méthodologique, l'étude de ces rapports complexes engage et exige un métissage des regards disciplinaires pour la saisie desdits rapports. Un tel métissage dépasse la simple addition des regards disciplinaires (sociologie et écologie, par exemple), car elle pose la nécessité d'une intégration forte qui permet le dépassement de certains thémata fondateurs des sciences sociales, comme l'opposition forte entre fait de nature et fait de culture. La condition interdisciplinaire est donc explorée ici sous l'angle épistémologique.
Le texte de Gilles Baillat et Daniel Niclot, de l'IUFM de Reims (France), expose de quelle façon la nécessité du métissage des disciplines s'incarne dans le travail même des enseignants, et comment les conditions de sa réalisation permettent ou non de relever les défis qu'imposent les réformes curriculaires. Les auteurs estiment qu'outre les conditions même du travail, l'essor de l'interdisciplinarité appelle une plus grande maîtrise des conditions épistémologiques du métissage des disciplines académiques dans le cadre des formations initiales. La condition interdisciplinaire est donc explorée ici sous l'angle épistémologique et pédagogique.
Jacques Hamel, de l'Université de Montréal (Québec, Canada), étudie l'une des conditions les plus fondamentales de la réalisation du programme interdisciplinaire, c'est-à-dire comment elle fut instituée en fondement des formations universitaires en Amérique du Nord. Bien que la rhétorique officielle présente le programme interdisciplinaire comme un moyen en vue d'assurer une meilleure qualité des pratiques professionnelles des diplômés de l'université, c'est surtout la science elle-même qui est interpellée. Pragmatique ou épistémique, l'appel à l'interdisciplinarité a de toute façon des conséquences au plan de la pédagogie universitaire, conséquences que Jacques Hamel évoque dans ce texte. La condition interdisciplinaire est donc explorée ici sous l'angle épistémologique et pédagogique.
Dominique Vinck, de l'Université P. Mendès-France, Grenoble (France), constate quant à lui, qu'outre les questions épistémiques et épistémologiques que posent l'interdisciplinarité, l'étude de la condition interdisciplinaire du travail doit aussi porter sur des dimensions pragmatiques, notamment instrumentales. C'est ainsi que des objets intermédiaires sont construits collectivement à la faveur du travail réel qu'engage la condition interdisciplinaire du travail. Elle est donc explorée ici sous l'angle pragmatique.
Dans son article, Gilles Pinte, de l'Université catholique de l'Ouest, Bretagne-Sud (France), étudie un nouveau dispositif public, la Validation des acquis de l'expérience (VAE), permettant dans le cadre de formations professionnelles la reconnaissance de diverses expériences, notamment extrascolaires et extradisciplinaires. Dans quelle mesure un tel dispositif de reconnaissance des acquis de l'expérience constitue-t-il un moyen de réalisation d'une forme de métissage disciplinaire? La condition interdisciplinaire est donc explorée ici, entre autres, sous l'angle des conditions de sa reconnaissance.
Liliana B. Ponce, de l'Université nationale de Rosario (Argentine), explore le thème de ce dossier à partir de la nécessité praxéologique de l'interdisciplinarité qu'imposent par eux-mêmes les objets complexes, en l'occurrence les objets scientifiques et technologiques. Cette nécessité appelle une remise en question des formes traditionnelles de production des savoirs dans le champ scientifique. La condition interdisciplinaire est ici explorée sous l'angle des conditions scientifiques de sa réalisation.
Luca Greco, de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris (France), rend compte d'une recherche portant sur l'analyse du travail réalisé dans des centres d'appel téléphonique. L'auteur explore comment les travailleurs de ces centres sont appelés à composer avec un ensemble de ressources (technologiques, informationnelles, pratiques, etc.) qui constitue peut-être, de fait, une forme d'interdisciplinarité réalisée à la faveur des exigences du monde réel. La condition interdisciplinaire est donc explorée ici sous l'angle de sa réalisation pragmatique.
Orazio Maria Valastro, le rédacteur en chef d'Esprit critique, nous présente enfin une entrevue qu'il a conduite auprès du psychanalyste Luis Solano sur les enjeux épistémologiques, pour la sociologie, de la prise en compte de la subjectivité comme espace autonome à la croisée de différents processus identitaires inscrits dans la trame sociale. S'approcher de cet espace, de cette pliure aurait écrit Deleuze (1986), exige une interpénétration des regards disciplinaires. La condition interdisciplinaire est donc explorée ici sous l'angle épistémologique.
Yves Couturier et Isabelle Chouinard
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- Notes:
- 1.- L'étymologie du terme renvoie à l'idée de connaissance. Nous l'employons ici au sens de Foucault (1966), qui conçoit l'épistémè comme la forme historique que prend un système de discours qui détermine, pour une époque et un espace donnés, ce qui est vrai ou non, normal ou non, objet de science ou non, etc.
- 2.- La trousse médico-légale est un kit comprenant divers outils de prélèvement de preuves utilisés suite à une agression sexuelle. Au-delà de son aspect instrumental, la trousse contient des procédures juridiques qui engagent divers processus. Elle est une réponse relativement concertée aux divers problèmes de travail interprofessionnel constatés dans les affaires d'agression sexuelle: faible reconnaissance des intervenantes féministes travaillant dans les ONG, traitement policier et médical aléatoire, etc.
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- Notice:
- Couturier, Yves et Chouinard, Isabelle. "La condition interdisciplinaire dans les métiers relationnels: une mise en problème à partir du cas du secteur sociosanitaire", Esprit critique, Hiver 2003, Vol.05, No.01, ISSN 1705-1045, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org