Esprit critique - Revue électronique de sociologie
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Vol.02 No.03 - Mars 2000
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Editorial
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L'inertie et l'action!
Par Jean-François Marcotte

      J'ai cherché longuement pour trouver le thème que j'allais aborder dans cet éditorial. Les événements désastreux se succédaient devant moi à la télévision. Mais, il me fallait trouver le bon thème! J'ai vu des russes enterrer des tchétchennes dans des fosses communes, un président fasciste prendre le pouvoir en Europe, de futurs présidents américains qui ont condamnés à mort des centaines de personnes, des jeunes lancer des cocktails Molotov pour qu'on les écoute,... J'ai aussi vu des entreprises fermer leurs portes, laissant de centaines d'ouvriers sans salaire. J'ai vu des fusions vertigineuses entre des titans capitalistes... je sens que toutes ces fusions vont faire mal un jour mais je ne sais toujours pas comment. La droite, le libéralisme et le capitalisme préparent un cauchemar pour les prochaines années et je n'ose plus m'endormir de peur de voir ces horreurs. Toutes ces atrocités se succèdent et pourtant la droite capitaliste libérale continue à frapper.

      Je suis seul chez moi, atomisé devant ma télévision, je vois tout ce qui se passe et je ne fais rien pour que ça change. À force de voir des morts, des actes criminels, des abus de pouvoir, des profits faits sur le dos des plus démunis, on dirait que les événements ne me touchent plus. J'observe sur Internet, dans les bulletins télévisés, dans les journaux, parfois je m'insurge seul, mais ça s'arrête là. Je suis seul chez moi, je n'ai pas de temps à consacrer à changer les choses car je travaille pour gagner mon pain. De toute façon, je ne sais même pas ce que je pourrais faire pour changer les choses face aux grandes puissances.

      Voilà comment je me sens et je crois que c'est comme ça que plusieurs personnes se sentent dans les pays occidentaux. Et pourtant, il y a tant de choses à faire dans ce monde qui tombe en ruine sous le poids du capitalisme libéral qui balai tout sur son passage. Si chacun est seul chez lui, pourquoi ne pas être seuls ensemble pour changer les choses! Je pense que les gens ne manquent pas nécessairement de volonté de changer les choses... c'est l'habitude d'être atomisé devant un téléviseur ou l'impossibilité de trouver les moyens pour changer les choses dans nos sociétés de plus en plus complexes.

      Et c'est là que notre travail comme sociologue commence! Oui, oui, je crois que cela deviendra le rôle principal du sociologue au 21e siècle. Quand des idées simples sont proposées et médiatisées, cela ne prend généralement pas beaucoup de temps pour qu'au moins quelques individus attrapent l'idée au passage pour la réaliser. Si quelqu'un annonce à la télévision qu'on n'a pas à endurer tel ou tel abus, et qu'il propose un moyen intelligent et simple pour déstabiliser les forces qui abusent, certains citoyens vont entendre le message et le concrétiser. Si un message est diffusé à des milliers de personnes, il sera entendu par quelques personnes qui en ont sérieusement marres. L'étincelle est allumée et ces personnes inciteront leur entourage à faire de même. Pour donner un exemple concret, si une méga-entreprise ferme ses portes dans une région et entraîne la mise à pied de milliers d'ouvriers, les gens l'apprendront par les médias et seront frustrés... Chacun chez soi, les gens seront en colère et après quelques jours, tout continuera comme si rien ne s'était passé. Par contre, il ne s'agit que d'un message bien passé où une personne incite ses concitoyens à boycotter les produits de cette entreprises. Chacun sentira alors qu'il peut faire quelque chose de simple, et que toutes ces petites interventions mises en commun provoquent une véritable force de frappe!

      Puisque que c'est le rôle du sociologue que d'analyser en profondeur la complexité de nos sociétés, il est aussi le mieux placé pour comprendre les problèmes sociaux et les moyens efficaces pour contrer ces forces destructrices. C'est à lui de chercher des méthodes efficaces et simples pour renverser les forces qui progressent contre le bien-être des gens. C'est aussi à lui de provoquer sa propre médiatisation pour faire entendre ces moyens d'action concrets. Il ne doit pas attendre qu'on lui offre sa tribune et ce n'est pas dans les textes scientifiques que ces messages risques d'atteindre la population. Je crois que le rôle du sociologue est de rester dans l'ombre pour trouver les failles de nos systèmes sociaux et ensuite refaire surface pour diffuser, entre deux messages publicitaires, les moyens pour changer les choses. C'est une grande responsabilité qui nous est assignée mais nous devrons l'assumer et démontrer que la sociologie peut vraiment servir à améliorer le sort de nos sociétés. C'est à nous que revient le rôle de faire des étincelles pour que les feux s'allument là où il le faut!

Jean-François Marcotte

Notice:
Marcotte, Jean-François. "L'inertie et l'action!", Esprit critique, vol.02 no.03, Mars 2000, consulté sur Internet: http://www.espritcritique.org
 
 
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